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Tendresse
Un copain réalisateur m’affirmait hier : « Je revendique l’idée de tourner des comédies romantiques : je fais mon coming-out ». Super ! Mais… Que désirons-nous tous, dans ce monde compliqué, mondialisé, déshumanisé et en guerre, ai-je eu envie de lui rétorquer ? Aimer et être aimé, cher ami. Cesser de s’éparpiller, être tout entier tendu vers l’Amour. Lionel Duroy l’écrit depuis des années, à longueur de romans. Il nous bouleverse, nous arrache des larmes, nous peine ou nous inonde de bonheur, touche notre âme dans ses tréfonds, nous donne envie d’Aimer et de le crier, et … avouons-le sans honte, de déposer notre cadenas sur le Pont des Arts à Paris. So romantic. Il dissèque ce sentiment inégalable, d’une manière quasi chirurgicale. Il pénètre l’Amour. Il emploie les mots qui vont avec. Parfois désuets, pourtant sans équivalents : crétinerie, chagrin, douleur, amertume. Ses titres de romans sont éloquents : « Colères », « Vertiges »… Il utilise cette expression en boucle : « N’est-ce pas », comme s’il avait besoin de recueillir notre aval, d’être certain qu’il s’agit d’aimer dans la vie, et rien d’autre. Il nous interpelle : « Voyez-vous », pour se rassurer, vérifier avec nous ses impressions. Même lorsqu’il utilise des adverbes à profusion, cela n’alourdit rien. Au contraire, ça renforce tout. Aimer son conjoint, ses enfants, aimer passer les doigts dans leurs cheveux qui sentent l’enfance inoffensive, aimer la compagnie d’un animal, l’odeur de l’herbe, contempler les cèdres bleus, aimer ses frères et sœurs, ses parents, même si, de ce point de vue, il expliquait jusqu’alors vouloir tuer sa mère. Ecrire pour mieux l’effacer. Nous avons toujours su qu’il n’en était rien. Il persistait à conserver ses œillères, à demeurer égocentré. Son coming-out consistait à révéler son amour à sa mère qui a subi vexations, mensonges, outrages à répétitions, tout en élevant huit enfants. Dans « Vertiges », il exprime enfin sa lucidité et sa tendresse à l’égard de celle qui lui a donné la vie. Comme si ce roman lui offrait de naître, qu’il était désormais prêt pour l’Amour, celui de sa quête obsessionnelle. Non, ce roman n’est pas celui de trop. Et oui, Cher Lionel Duroy, nous t’aimons jusqu’au vertige, nous t’aimons en exponentiel. Voilà mon coming-out, à moi.
« Vertiges », Lionel Duroy, éditions Julliard, 468 pages, 21 euros