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Ciné : Violette (2H19), de Martin Provost

Avec Emmanuelle Devos, Sandrine Kiberlain, Olivier Gourmet, Catherine Hiegel, Jacques Bonnaffé, Olivier Py, Nathalie Richard, Stanley Weber

Sortie le 6 novembre.

René de Ceccatty a rédigé un essai sur Violette Leduc (« Eloge de la Bâtarde », paru en 1994 aux éditions Stock), qui elle-même a écrit un texte sur Séraphine de Senlis. 2007 : Martin Provost termine le scénario de « Séraphine » sans prédire le succès que l’on connait. Les deux hommes se rencontrent, échangent ce qui se rapporte à Violette Leduc. Deux prénoms féminins qui scellent une union. Violette Leduc vivra, justice lui sera rendu, comme l’avait prédit Simone de Beauvoir : « Un jour, on vous remerciera ».

Martin Provost réalisera « Violette » : portrait d’un écrivain en avance sur son temps, la condition des femmes et l’écriture. Femme engagée, écrivain sulfureux, pendant féminin d’Henry Miller (pas une autre Anaïs Nin, mais bien un Henry Miller au féminin, « intrépide » comme la qualifie Simone de Beauvoir). René de Ceccatty ne pouvait espérer mieux, fervent admirateur de Martin Provost, son cinéma social, émotionnel et son rapport à la nature sans équivalent.

Le film s’attache à Violette Leduc de 1942 et 1964 (quelques ellipses et retours en arrière) : la période la plus paradoxale de la vie de l’auteur féminin. Solitaire et ardente. Comme le laboratoire d’une vie monacale (d’écrivain, de femme) et d’une passion destructrice. Antoinette Fouque parle même de « passion catastrophique de Violette Leduc envers Simone de Beauvoir ». Violette entretient des rapports furieux, qui la conduiront à la folie et l’internement, comme dans les tragédies grecques. Moria. Avec sa mère, Berthe (Catherine Hiegel trop et pas assez mère nous abasourdit). Avec l’éditeur Gallimard, dont les coupes et censures produiront des ravages en Violette, comme un autre avortement. Avec Jean Genet. Avec Maurice Sachs…

Le film est austère et froid, clinique et épuré. Comme la discipline exemplaire que s’inflige Violette Leduc écrivain. Aucune autre actrice qu’Emmanuelle Devos, tout en intériorité, n’aurait pu incarner Violette. Violette est Emmanuelle est inversement. Sandrine Kiberlain campe une Simone de Beauvoir qui présente des failles, une humanité sous la violence du regard qu’elle porte à Violette. Elle ne « l’aime » pas, mais ne la trahira jamais. Elle a décelé un pur talent, c’est son devoir d’aider Violette Leduc à se révéler.

Violette écrit, fouille dans ses entrailles pour faire jaillir les mots justes : féroces et bruts, et s’épanouit. Elle expurge ses cassures, ses traumatismes, son ambiguïté, sa naissance, sa laideur. Il y a Faucon et le Mont Ventoux, qui protège de tout. Une autre annonciation pour Violette Leduc qui n’aimait que les ports et les paysages du Nord. Le cinéaste impressionniste s’empare de cette période plus lumineuse avec empathie. L’écriture, c’est cela : partir en soi et trouver un lieu à soi. Un film exigeant, comme l’est l’écriture qui dépeint la vie.

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