Des histoires dessinées entre ici et ailleurs : Bande dessinée et immigration 1913-2013, au Musée de l'histoire et de l'immigration
Quatre années de travail, plus de 100 auteurs de BD et 500 documents, un thème qui n’avait jamais encore été exploré : L’histoire de l’immigration en bande dessinée. Trois espaces ont été pensés par les commissaires de l’exposition pour répartir les itinéraires d’auteurs immigrés, par le prisme de leurs dessins. Mac Manus, Goscinny, Boudjellal, Bilal, Satrapi, Abouet… Fabrique d’une bande dessinée sur l’immigration. Raconter une histoire universelle, avec la distance qu’offrent un dessin et quelques bulles ? Morris, Moebus, Aurita, Abirached, Mahmoudi… Enfin, le voyage des migrants. Pourquoi s’exiler ? Comment s’intégrer ? Immigrer pour revenir au pays, mythe ? La légalisation, l’intégration, la clandestinité. Pratt, Mbumbo, Oiry, Brouck, Koeger, Al’Mata, Viodé, Alagbé. Parmi les incontournables : quatorze planches exclusives, offertes par Halim Mahmoudi, extraites de son dernier album « Un Monde Libre » (Editions Des ronds dans l’O). Une photographie jaunie et personnelle de Farid Boudjellal, point de départ de sa « Mémé d’Arménie », (Editions Du Soleil) qui clôt la trilogie de Petit Polio. Ce jeune français né à Toulon, d’origine algérienne, découvre un jour sa grand-mère, rescapée. Une mémé arménienne, chrétienne. Farid Boudjellal est un précurseur : le premier auteur à avoir mis en scène un personnage de BD immigré dans les années 80. Des vignettes inédites d’Yvan Alagbé : « Nègres Jaunes » (Editions Amok). Un reportage autobiographique éloquent, tout en bulles, d’Aurélia Aurita. « Je ne verrai pas Okinawa » (Editions Les impressions Nouvelles).
Une exposition vertueuse : devoir de mémoire et transmission.
Regards croisés sur l’immigration : discussion à bâtons rompus avec Halim Mahmoudi et Farid Boudjellal, deux auteurs de bandes dessinées, deux générations. L’exposition, à la Cité nationale de l’histoire et de l’immigration, qui a permis de réunir les deux hommes, peut-elle faire tomber les lieux communs autour de l’immigration et l’intégration ? « Il faut arrêter de regarder le pire et de généraliser », explique posément Farid Boudjellal. « Pourquoi ne parle-t-on jamais des Italiens, des Espagnols, des Arméniens ? Parce que la question ne se pose plus : ils se sont naturellement intégrés. Ils ont travaillé, obtenu des papiers, en silence, ont assimilé la culture de leur nouveau pays, écouté puis parlé la langue. Pour eux, la question du retour au pays ne se posait plus, une fois exilés en France. Ils se sont comportés en citoyens français et ont été considérés comme tels ». Farid poursuit : « Aujourd’hui, il faut cesser de regarder la tâche de vin sur la nappe blanche ». Halim Mahmoudi renchérit : « Notre rôle, c’est d’expliquer ce que nos parents ont vécu. Tout le chemin parcouru, c’est pour les générations à venir qu’on le dessine ». A propos de racisme, Halim déclare : « Le phénomène est mondial, mais cristallisé en France. La France porte trop de contradictions ». Tous deux sont d’accord pour conclure que l’école, les bibliothèques devraient être des lieux de débats, que la France devrait cessait de fuir ces questions-là. La BD leur permet de faire passer des messages forts avec recul et humour. Halim Mahmoudi de conclure : « Farid a apporté une dimension globale… Et à présent, il est urgent de se rencontrer, de se reconnecter les uns les autres, car nous sommes tous français ». Au fond le sujet de l’intégration et de l’immigration doit être porté par chacun d’entre nous. Farid Boudjellal termine, et boucle le sujet : « Finalement cette exposition est importante, c’est un devoir de transmission. Nous racontons nos histoires, celles qui font la France ».
Palais de la Porte Dorée, Musée de l’histoire et de l’immigration, Jusqu’au 27 avril. www.histoire-immigration.fr
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