Une rentrée voluptueuse et enlevée
L’Opéra Garnier a retrouvé des archives inestimables des Ballets Suédois, pièces uniques de legs publics et privés. Ajoutées aux dons de Rolf de Maré qui a partagé ses collections dès 1952, l’ensemble est exposé pour la première fois. Les Ballets Suédois sont davantage associés au Théâtre des Champs Elysées, tandis que L’Opéra de Paris recevait plutôt les Ballets Russes. La rivalité était aussi financière. Les Ballets Russes, emportés par un Diaghilev sans argent, demeurent dans un registre classique, et les Ballets Suédois, dirigés par un Rolf de Maré fortuné font preuve d’audace. La troupe danse nu-pieds, affirmant sa volonté de liberté. Le folklore suédois est revendiqué, comme les influences expressionnistes et cubistes, ou le cinéma de Chaplin. Les Ballets Suédois, associés à Hébertot, Börlin, Léger, Picabia, Chaplin, Cocteau, le groupe des Six, proposent une danse expérimentale et conceptuelle, centrée sur le mouvement. La troupe n’a jamais dansé à Garnier : saluons cette initiative conjointe de l’Opéra et de la BNF, de les accueillir sous cette coupole de Chagall, symbole de modernité.
Au Musée d’Orsay, la danse de Jean-Baptiste Carpeaux reprend à sa manière le concept de Börlin du « Tableau vivant » à travers des œuvres aussi monumentales que les affiches du chorégraphe. Exposition impériale d’un artiste hardi, fulgurant et visionnaire, épris d’affranchissement et de ferveur. Ses tableaux, comme ses sculptures, sont à la fois grandiloquents et emprunts d’un rare souci du détail : le sourire, la grâce d’une main, la pose d’une hanche, un regard fiévreux. Comme autant d’attentions à une vie si fragile, qu’il s’agissait de dessiner, de sculpter en temps réel. D’ailleurs ses autoportraits figurent les selfies d’aujourd’hui. Là encore, il s’agit d’une première. L’artiste n’avait pas été exposé depuis 1975 et à Orsay, la nouveauté réside dans le toucher. Certaines œuvres sont palpables, et accessibles aux personnes atteintes de handicaps.
Deux expositions qui soulignent « un courage et une intelligence artistique », pour reprendre les termes de Brigitte Lefèvre, directrice de la danse de l’Opéra de Paris.
« Les Ballets Suédois, une compagnie d’avant-garde, 1920-1925 »
« Carpeaux, 1827-1875, un sculpteur pour l’Empire »
Jusqu’au 28 septembre.