Ciné : « Saint Laurent » de Bertrand Bonello

23 Septembre 2014

Biopic (ça se discute), (2h47) de Bertrand Bonello, avec Gaspard Ulliel, Jérémie Rénier, Léa Seydoux, Amira Casar, Armeline Valade, Jasmine Trinca, Louis Garrel…

Sélection officielle Festival de Cannes

Sélection #GPcineELLE. Gaspard Ulliel a reçu le prix coup de cœur masculin de la rédaction du magazine @ELLEfrance

Un casting somptueux. Mais qui ne sert à rien. Un casting faire-valoir d’un seul et unique personnage, d’une icône, d’un esthète, d’un génie incandescent : « Saint-Laurent ». Bertrand Bonello affirme n’avoir pas eu l’ambition de réaliser un Biopic. Son projet était de se concentrer sur une période particulièrement créatrice du couturier Yves Saint Laurent, sur 10 années de sa vie et de son œuvre, de 1967 à 1976, car, précise-t-il « l’on ne peut pas tout traiter, il faut du temps pour parler du temps ». Du temps, il en a pris : le film, un poil pompeux, dure 2h47. La durée qu’il fallait, sans doute, pour restituer Yves Saint Laurent en images, à travers des attitudes, des postures, des jeux de regards, comme au temps du cinéma muet. Pour rendre compte, aussi, d’un aréopage qui gravite autour de l’homme et d’un créateur, jour et nuit. Bonello filme les coulisses d’une vie sans limite, comme celles d’une mode sans contrainte, jusqu’à la moindre épingle nécessaire à l’ourlet impeccable. Personne n’est oublié dans ce film. Davantage que du cinéma, Bertrand Bonello propose une œuvre d’art, qui frise parfois le documentaire sur la mode, lui qui n’est pourtant pas si fashion en apparence.

La période en question revient sur les prémices du maître Yves Saint Laurent, et ce que sera son destin, en termes de mode (« le plus dingue et le plus créatif » précise Bonello), qu’en matière de vie privée, débauchée et sulfureuse. L’une est indissociable de l’autre. L’on découvre un personne mystérieux, « plus à la fin encore, qu’au début » rajoute Bonello, qui insiste sur le fait d’avoir cherché à « s’approcher le plus possible du mythe sans le rationnaliser », avoir voulu rendre compte de « ce que cela coûte d’être Yves Saint Laurent » au sens propre comme au figuré. Le prix est au-delà de tous vos moyens, soyez-en persuadés. Point de prix d’ailleurs, pour Yves Saint Laurent. Couleurs, étoffes, lyrisme, vanité, sexe, bi-sexualité, emphase, névroses, vésanie : tous les stigmates d’une guerre intérieure permanente. Un film impressionniste hypnotique, qui déséquilibre.

Gaspard Ulliel est méconnaissable, ange ou démon, qui donne à Yves Saint Laurent une aura diabolique et ingénieuse. Il se montre à la mesure du talent du couturier, qui réinventa la mode, au service de la femme, jusqu’à en perdre son âme et la raison. L’acteur prend possession d’un être fragile, hypersensible, hypercréatif, hypertourmenté, enfermé dans ses atermoiements, son inspiration destructrice qui ne le lâchera pas. L’on ne peut qu’adhérer à ce film, qui nous aspire. Un cinéma d’image-temps, qui n’aurait pas déplu à Gilles Deleuze.

Bertrand Bonello, images et sons, jusqu’au 26 octobre au Centre Pompidou

Dans le cadre du Festival d'Automne, rétrospective intégrale des films de Bertand Bonello "Résonances" au Forum du centre Pompidou, niveau -1. Films, exposition, créations, scénarios en lecture, intervention sur le rapport son-images par le réalisateur, bandes sonores diffusées, écoutes et visionnages dans une salle noire dédiée...

www.festival-cannes.com

www.elle.fr

www.centrepompidou.fr

En salle le 24 septembre

Dernière minute : "Saint Laurent" représentera la France aux Oscars 2015