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The tribe
The tribe

The Tribe (2h12) de Myroslav Slaboshpytskiy

Drame, Avec : Grigoriy Fesenko, Yana Novikova, Rosa Babiy ...

Le film-événement ce mois-ci. « Ce film est en langue des signes, comme le souligne la bande-annonce, il n’y a ni sous-titres, ni voix-off, car l’amour et la haine n’ont pas besoin de traduction ». Force est de constater que l’on comprend le moindre dialogue, car la langue des signes, qu’elle soit ukrainienne ou française, est logique et sensée. Une langue qui n’est pas universelle, et qui permet pourtant d’appréhender toutes les situations, débarrassées des ambiguïtés ou circonvolutions des autres langues, sans non-dits, ni sous-entendus. Une langue franche et directe, qui implique tout le corps. Et le corps ne triche pas.

Pour cela, le film de Myroslav Slaboshpytskiy, constitue une expérience sans équivalent. L’on partage la perception des malentendants, sourds et sourds-muets comme si nous avions toujours été immergés dans leur univers. Nous les comprenons, en dépit de leur débit effréné. Ils sont bavards, très, et en bande leurs mains qui signent forment une symphonie assourdissante. Au point d’oublier les seuls sons du film : les feuilles des arbres qui bruissent, les pas dans la neige, les coups frappés aux portes, les moteurs et les klaxons des automobiles. En l’occurrence des tonalités mineures et banales, qui dans ce film deviennent majeures et exacerbées.

En revanche, ce long-métrage revêt un parfum de scandale, car il véhicule l’amour, certes, mais surtout la haine et une violence inouïe au cœur d’une communauté de personnes handicapées, créant ainsi une partition orientée et mensongère. D’aucuns pourraient résumer, au sortir de ce film éprouvant par sa bestiale cruauté, que la sauvagerie et l’inhumanité sont inhérentes à la communauté des sourds-muets (l’approche souvent réductrice pour qualifier ces personnes, que le handicap et la langue, il est vrai, réunissent parfois en groupes). Myroslav Slaboshpytskiy a transposé au cœur des sourds, sourds-muets et malentendants, le délitement de la vie en Ukraine, et leur fait porter tout le poids de la situation délétère et viciée d’un pays terrassé par la fureur de la guerre.

Précisons le sujet : un jeune sourd intègre un établissement dédié à son handicap. Le lieu est délabré, sans foi ni loi, le vice y règne. L’endroit ressemble davantage à une prison qu’à une école républicaine. Il devra s’imposer dans cette jungle immorale construite sur un tas d’immondices et de ruines, passer du statut de bizuté à celui de caïd, de racketté à proxénète. Les filles se prostituent pour s’offrir un passeport vers l’Italie. Le jeune en question tombe amoureux de l’une des petites putes, qui se retrouve bientôt enceinte. Elle va devoir avorter (on souffre bien profondément, à l’intérieur de nos chairs, à ce moment précis, intolérable). Lui ne supportera plus ses passes. Chroniques d’une folie ordinaire et d’une violence médiocre, qui s’enchaînent sans issue. Sauf que ces chroniques pourraient impacter n’importe quelle école ukrainienne.

The Tribe est à la fois une expérience enrichissante visant la compréhension de la langue des signes, qui en effet, peut se passer de sous-titres, et dans le même temps constitue un document à charge contre les sourds, malentendants et sourds-muets, considérés comme une communauté de dégénérés, ce qui est réducteur, erroné, plein de morgue et de mépris.

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