Drame (1h32), avec Lou de Lâage, Joséphine Japy, Isabelle Carré
Insoutenable. Une réalisation impeccable et froide, brutale et sans cran d’arrêt pour un film qui coupe toute respiration. On en oublie l’élémentaire : inspirer, expirer. Les actrices sont d’une pertinence et d’un recul remarquables. Ce film est aussi celui d’une performance : filmer l’adolescence, sans Internet, réseaux et médias sociaux, sans textos, tchats, snapchat, et même sans téléphone (ou presque). Peu de musique. Juste le son : des battements de cœur, des pas sur le bitume ou le parquet de l’école, des paroles qui déchirent, enfoncent à chaque séquence davantage. Le son de l’engrenage, fatal. Que personne ne saura stopper. Trop infecté. Gangréné. Incurable. Une épuration extrême et inattendue, pour mieux pénétrer les pensées des deux jeunes filles ? Se placer à l’intérieur de leur cerveau, souffrir autant qu’elles ? Un film qui aurait pu être projeté au siècle dernier, et qui le sera probablement encore au prochain, car la cruauté entre adolescentes n’a pas de temporalité, ni début ni fin. Elle se réinvente, et fait froid dans le dos. Le deuxième long-métrage de Mélanie Laurent est adapté du premier roman d’Anne-Sophie Brasme « Respire », paru en 2001 (Fayard). L’histoire de Charlène qui s’éprend d’amitié pour Sarah. L’amitié se transforme en quelque chose d’indicible, d’impur, de suffocant, d’inégal, d’humiliant, de mutilant, de pervers. Qui souille. Malsain jusqu’à l’acte irrémédiable. Salutaire ou scandaleux ? Audible ou insoutenable ? Compréhensible ou immoral ? La psychologie des personnages est précise, le contexte familial des deux jeunes filles redoutable, et permet, peut-être, de percer ce lent et fatal délitement. Mélanie Laurent a su resserrer le propos du livre, déjà bien concentré sur la relation toxique entre les deux protagonistes. En sorte qu’elle nous infecte, nous aussi, spectateurs. Plus oppressant que la lecture du roman, plus sardonique et avilissant. Isabelle Carré en mère immature, trop jeune et insouciante, empêtrée elle-même dans ses propres atermoiements, ne se préoccupe pas de Charlène, sa fille. Comment la considère-t-elle, d’ailleurs ? Parfois l’on croit avoir affaire à un trio de copines, plutôt qu’à un duo. Des parents, ou leur absence, qui peuvent sans doute nous permettre d’exprimer de la compassion envers Charlène, et Sarah. Quelle que soit l’issue, même si elle nous empêche de respirer, et qu’il nous faudra du temps pour retrouver un rythme régulier.