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Ciné #CPcineELLE : Whiplash, de Damien Chazelle

Drame, musical (1h47), avec Miles Teller, J.K. Simmons, Melissa Benoist, Paul Reiser

« Whiplash » signifie « coup de fouet », pourtant l’expression est encore trop faible. Ce film est une gifle monumentale et probablement le plus beau cadeau de Noël cinématographique jamais proposé. Un coup de poing dans l’estomac dès la première seconde du premier son émis, et le souffle coupé jusqu’à ce que l’écran s’enténèbre et la salle se rallume. Waouh. Violent. On frôle l’asphyxie. Un film dont on ne sort pas tout à fait indemne, mais vacillant et enivré. Ivres de sang, de sueur et de larmes. Ivres de musique. Ivres à la folie. La mécanique est ingénieuse et démoniaque.

« Whiplash » est aussi un standard de jazz composé par le saxophoniste américain Hank Levy (1973). Un jazz expérimental, alerte, qui produit un effet anxiogène pendant 1H47. Comme si l’on se réveillait d’un profond coma, dans lequel nous aurions été plongés depuis des années. Le réveil est brutal et choquant.

Le film le plus inventif et inattendu d’un jeune réalisateur. A l’origine une copie lui était réservée pour une sortie confidentielle le 24 décembre. Sauf que … de festivals en projections, le film, d’abord un court-métrage, reçoit le Prix du Jury au Festival de Sundance en 2013. Puis dans sa version long-métrage, en 2014, il obtient le Grand Prix et le Prix du Jury du Festival de Sundance, le Grand Prix et le Prix du Public au Festival de Deauville, la Quinzaine des Réalisateurs du Festival de Cannes le remarque et pour finir, les lectrices du magazine ELLE lui décernent leur Grand Prix Cinéma. Le film est par ailleurs soutenu par les salles de cinéma adhérentes à l’Association française des Cinémas d’Art et d’Essai. Beau palmarès.

« Il n’y a pas de hasard si je suis là » : En effet Andrew, 19 ans, veut devenir l’un des meilleurs batteurs de jazz, au conservatoire de Manhattan. Il fait preuve d'un talent remarquable, d'une foi inébranlable, d'une assiduité exemplaire, au point de ne plus se consacrer qu’à la batterie, délaissant amour, amitié et famille. Il s’entraîne avec ferveur et fièvre chaque putain de seconde, encore et encore. Terence Fletcher, professeur et musicien de jazz reconnu, tant pour son talent que pour son entraînement tyrannique, l'observe. Un duel furieux va s’installer entre les deux hommes, qui nous laissera tout aussi exsangue que les personnages. Nous sommes loin d’un duel au soleil. Terence Fletcher est en quête du nouveau Charlie Parker, Andrew de reconnaissance. Rechercher l’excellence va les détruire, nous faire frôler la folie, et plutôt que de ressentir groove, joie et plaisir à écouter du jazz, la terreur nous gagne. La peur au ventre. Un cercle peu vertueux, inspiré de la propre expérience de musicien de Damien Chazelle. On en oublie tout, la métrique, le tempo, la détente, le jour et la nuit. On sombre.

Des acteurs impeccables, nerveux, dont on se demande comment ils sortent de ce combat. Ils ont tous deux l’œil du tigre. Qui l’emportera ? Un J.K. Simmons dominateur et un Miles Teller habité, qui iront au bout du bout du bout de leur histoire. Au bout de l’enfer. Est-ce le prix à payer pour rencontrer le succès ? Ce film est aussi une belle métaphore sur la reconnaissance qu’un fils attend de son père.

« Whiplash » colle à la peau, aux tempes, vibre en nous, et nous vrille. Il s’infiltre pour ne plus nous quitter. Un film indélébile, semblable à un tatouage, qui pose une réflexion majeure sur la pratique de son art. Un point de vue cru, sans concession qui n’apporte pas de réponse, mais pose question sur l’atteinte de la perfection et d’un idéal. Un film comme un aveu, une confession, une introspection, une observation clinique étourdissante. Un point de vue encore jamais abordé : les coulisses de l’apprentissage artistique, en l’espèce musical. Oppressant.

Une réussite absolue, magistrale, qui, de mon point de vue, confirme que la réussite d’une création artistique vient surtout des tripes, de ce que l’on porte en soi de douloureux, jusqu’à en vomir. Point de départ de la fabrique d’une histoire qui ébranle.

Sortie le 24 décembre 2014

Une séquence du film éloquente "Oui, Monsieur" : "Yes, sir", prononcé par Andrew.

Une séquence du film éloquente "Oui, Monsieur" : "Yes, sir", prononcé par Andrew.

Damien Chazelle, réalisateur de Whiplash, récompensé au #GPcineELLE par Florence Ben Sadoun @ELLEfrance

Damien Chazelle, réalisateur de Whiplash, récompensé au #GPcineELLE par Florence Ben Sadoun @ELLEfrance

Tag(s) : #Cinema
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