"Confessions d'une petite pute"
Je relis ce texto, reçu de ta femme : « Je m’appelle Anne. Je suis mignonne, très pure et non tourmentée. Avec Éric, nous avons eu Charlotte avec un amour extraordinaire. Nous formons un beau couple, libre car nous avons confiance l’un et l’autre. J’ai une idée pour votre prochain roman car je suis très créative. C’est l’histoire d’une femme heureuse dans son travail, dans ses amours, dans sa vie sociale. Et puis un jour elle tombe par coïncidence sur un message. Elle lit des échanges un peu perturbés, malsains. Elle se dit : comment une fille peut aller avec un homme qui a déjà une vie et pense que pour cela, cette fille ne doit pas présenter beaucoup d’intérêt. »
Tout commence lorsqu'Eric laisse dans le silence sa maîtresse, un beau matin, au pied de l'Eglise Saint-Augustin. Ils avaient rendez-vous. Il ne viendra pas. Il ne donnera plus de nouvelles. De ce silence, naissent ces confessions, intimes. Qui renvoient bientôt à celles de Saint-Augustin, littéraires. Ce sont aussi celles, bien réelles, nées de la rencontre avec le père Pierre-Oliviers Picard, chapelain de l'église Sainte-Rita, boulevard de Clichy.
Des "Confessions d'une petite pute", comme un chemin naturel, nécessaire, spirituel.
Les lumières de Pigalle sont faites pour éblouir et nous plonger dans une obscurité plus profonde. Dans cette nuit, on va se côtoyer mais non vraiment se rencontrer. Et rester seul. L’acte de se prostituer sépare une femme de son corps. Il fait comme exploser sa personnalité entre une mémoire de l’enfance, un corps vendu et qui n’est plus le sien ou difficilement, une âme encore plus isolée que jamais. Isolée d’elle-même. Une grande solitude en résulte. Le propre des « confessions d’une petite pute », c’est de montrer comment les évènements ordinaires de la vie d’une femme née dans les années 70, évènements sobrement évoqués, conduisent au même résultat, au même éclatement, à accepter cet état de prostitution. Alors l’amant aura tous les droits d’utilisation sans rien donner, même pas une explication à son départ. Et tout devrait se refermer sur un silence, empêchant toute protestation. Je crois que ce qui se vit à Pigalle n’est que le malaise accentué d’une société, d’une époque. La conviction s’installe qu’un amour, avec sa dimension affective, n’est pas vraiment possible. Et même qu’une relation physique épanouissante puisse conduire à une joie, à une rencontre. Lorsque la sexualité isole et n’est plus communion, le désespoir prend tout et une grande perte de vitalité, de désir de vivre envahit tout.
Dans les tournées, la nuit, j’ai expérimenté que la moindre poignée de main, la moindre attention amicale peuvent tout renverser. Il y a une grâce de la rencontre qui permet des reconstructions étonnantes. Cette grâce peut surgir et changer le cours d’un récit comme celui contenu dans ces pages, changer le cours d’une vie. Au cœur de Pigalle, la chapelle Sainte Rita est un lieu particulier : les plus grands désespoirs y côtoient les plus beaux surgissements de cette grâce. Ce n’est pas un hasard si les pages de ces confessions vont vous y conduire. Seulement le lecteur devra accepter d’être abandonné là. Augustin et Rita qui surgissent si étrangement, sans explication, donnent seulement une direction. La vraie rencontre, celle avec "ce frère qui est mort pour moi", elle ne peut être écrite dans un roman. Il reste au lecteur d'établir la suite, ses propres pages, d’aller au-delà de ce témoignage. Il reste au lecteur à se poser la question : qui peut-il être ?
Chapelain de Sainte-Rita
Confessions d'une petite pute, aux Editions du Net
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