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Benjamin Stora
Benjamin Stora

De nouveaux « Repères » à la Cité nationale de l'histoire de l’immigration

J’espère un jour que l’on dira : “Je vais au Palais de la Porte Dorée”, comme on dit aujourd’hui “Je vais au musée d’Orsay ou au quai Branly." Ces mots ont été prononcés par Benjamin Stora, nouveau président du conseil d’orientation du palais de la Porte Dorée, musée de l'histoire de l'immigration, à l’occasion du vernissage de l’exposition permanente “Repères.

Benjamin Stora : un parcours d’exil parmi d’autres et de nouveaux repères à se construire à l’âge de 12 ans, dans ce pays, la France, qui l’a accueilli avec sa famille, comme tant d’autres réfugiés. Parce qu’il a vécu le déracinement et fait de sa vie un exemple d’intégration, sa nomination consolide la réputation scientifique de l’endroit. Benjamin Stora affiche son ambition : “je voudrais essayer de donner une impulsion nouvelle à cette aventure qu’est cette Cité nationale de l’histoire de l’immigration… Ce musée de l’immigration est une marque de respect pour ces millions et ces millions de personnes qui vivent en France, se sentent français ; et qui, en même temps, veulent faire en sorte que leur originalité, leur singularité soient reconnues. Enrichir le récit républicain. » Cette exposition ne se conçoit pas selon une approche chronologique de deux siècles d'immigration. Il s’agit davantage de comprendre l’itinéraire universel d’un migrant, jusqu’à son accueil et son intégration en France, sa manière de faire progresser la société en y injectant des parcelles de sa propre culture. Le musée insiste sur cette diversité, fondement de la France. L’ensemble est mis en scène dans des vitrines-colonnes et des espaces aménagés comme de véritables lieux de vie. Le musée a identifié des personnes volontaires pour se prêter à l’exercice de remplir une valise : sélectionner les objets essentiels, lorsque l’on change de vie, de patrie. Que signifie « essentiel » ? Que laisser derrière soi, sans se retourner ? Que retenir que l’on sera certain de ne pas retrouver là-bas, ailleurs ? Ces fragments qui, assemblés à ceux d’autres nationalités, constitueront l’identité et le patrimoine d’un pays, en l’occurrence : la France. Et si ces nouveaux Repères ramenaient à un discours plus apaisé en matière d’immigration ?

Parmi les pièces singulières, beaucoup proviennent de l’immigration arménienne

La chambre photographique de renom, reconstituée : studio Rex de Marseille, créé par Assadour Keussayan, né en 1907 en Turquie et arrivé en France dans les années 1920. Composée d’une grille en fer forgé devant laquelle posaient les personnes exilées, venues acheter un cliché à vocation administrative, l’occasion unique de s’endimancher pour adresser cette photo à leur famille restée sur leur terre de naissance. Ces photos témoignaient de leur réussite, leur arrimage en France. Le dispositif nécessitait une technique particulière de retouche à l’aquarelle, pour rajouter des couleurs aux visages en noir et blanc. Des photos éparses, anonymes ou d’auteurs devenus célèbres, témoignages d’une vie qui s’organise en France, comme ce bal arménien (studio Arax). La vitrine-colonne consacrée à Haïgouhi Dengoyan, née à Erzeroum en Turquie (1923). Immigrée à Marseille puis Paris, elle a rencontré son mari, Kevork Nalbandian dans un hôtel pour réfugiés arméniens. Seule trace de son exil, une cafetière et un moulin à café turcs. Ces cafés qui, une fois bus et retournés sur la soucoupe, laissent apparaître, dans le marc sombre, des formes limpides, celles de l’avenir.

Par contre rien n’est prévu en 2015 pour le centenaire du génocide arménien

Sous l’influence coordonnée de scientifiques et d’historiens, le palais de la Porte Dorée met en scène des expositions qui favorisent un accès grand public. Cependant, à l’issue de cet échange avec Benjamin Stora et d’une visite de ces Repères visuels, radiophoniques, manuscrits, photographiques, une question me taraude. À moins de six mois de la commémoration du génocide arménien, rien n’est prévu à la Cité nationale de l’immigration sur ce premier peuple à avoir été exterminé au vingtième siècle, et qui doit, en partie, sa survie à la France.■

*Benjamin Stora, vient de publier le livre La Guerre d’Algérie expliquée en images, aux éditions du Seuil (184 pages, 29 euros).

www.azadmagazine

Exposition permanente REPERES à la Cité nationale de l'histoire de l'immigration

Exposition permanente REPERES à la Cité nationale de l'histoire de l'immigration

Tag(s) : #Expositions
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