Au musée d’Orsay, il est souvent question de chats. Botté avec Gustave Doré l’an passé, et blanc porte-bonheur comme #lanouvelleolympe, apparition fugace mais insistante, talisman porte-bonheur, qui traverse le Japon jusqu’au port de Saint-Tropez pour Pierre Bonnard (1867-1947).
« Bonnard : peindre l’Arcadie » ouvre ses portes à Orsay cette semaine. Comme une confession digne de Saint Augustin, ou un pèlerinage à la manière de Boltanski. Du Japon à Saint-Tropez, en passant par Rome ou Trouville. Peindre pour dénoncer les utopies ? Pour Isabelle Cahn, commissaire de l’exposition aux côtés de Guy Cogeval, président du musée, « Il s’agit de décaper l’image du peintre, en proposant cette rétrospective qui porte un regard positif, empli de joie de vivre. Davantage qu’une transcription de la vie réelle. L’exposition dévoile les intentions du peintre, et propose de s’immerger dans son approche radicale de la couleur, dans l’immensité de son univers méditerranéen ou sa vision d’une vie urbaine place Clichy, à Pigalle. Depuis ses influences Japonisantes avec les Nabis, et sa peinture décorative et naturaliste, jusqu’à ses formats hors normes où il se lâche totalement, mais où il a atteint l’harmonie ». Neuf, nombre symbolique et fertile, volets structurent l’exposition et présentent son quotidien, son intimité, la nudité et son rapport aux femmes, leurs toilettes et leurs usages, sa muse en particulier, Marthe, son rapport à lui-même et à autrui à travers ses (auto)portraits, dans lesquels il semble inatteignable. Insaisissable. Une image qui relève du fantasme. Il joue beaucoup, d’ailleurs, avec les apparitions, les fantômes, les figures allégoriques. Le chat blanc en particulier apparaît dans nombre de ses peintures, qui raconte ses différentes existences. Un autre détail surgit, ici ou là si l’on se montre attentif. Comme la vie, ses coïncidences, ses signes et ses imprévus. Bonnard fantaisiste et complexe, au vocabulaire artistique résolument libre. Car, comme le souligne Isabelle Cahn, interviewée par Anne-Frédérique Fer, directrice de la communication de FranceFineArt : « La vie n’est pas linéaire ; Cette exposition raconte le triomphe de la vie, il s’agit d’y porter un regard vibrant ». Ce regard est tantôt bleu-blanc-rose et tendre, Clic-Clac Kodak bichromie et intimiste, un côté Patti Smith, tantôt vert-turquoise et mimosa, pastoral ou ultra-violet. L’Arcadie du peintre ne se lit pas sans son bestiaire étonnant : au chat blanc se rajoute des chèvres, par exemple. Bonnard à Orsay nous invite à pénétrer son Ryokan composite. Et s’il racontait non pas sa vie, mais la nôtre ? Et si l’on rentrait à la maison ? Et in Aracdia Ego.
Jusqu'au 19 juillet, au Musée d'Orsay
Joann Sfar prolonge l'aventure Bonnard avec 61 dessins, 65 peintures, et une bande dessinée « Je l’appelle monsieur Bonnard », catalogue de l'exposition. L'on aurait pu penser qu'il installe ce chat blanc qui s'immisce dans les toiles de Bonnard. Erreur : il donne la parole à une muse. Une femme au bain. "C'est tout le processus du bain qui m'a intéressé, précise-t-il, comme le décrit aussi Albert Cohen dans ces pages interminables d'une beauté incandescente". Joann Sfar, d’origine niçoise, emploie des couleurs semblables à celles de Bonnard pour célébrer le nu féminin, au bain : jaune-rouge-rose-blanc chatoyant et rayonnant, ou cette touche de violette. Un vent du sud apporte une brise légère et ondoyante...
L’artiste précise que « grâce à Instagram, qui permet à chacun de poster des photos sans véritable sens artistique, j’ai pu retrouver le plaisir de dessiner d’après nature ... d'après nature, insiste t-il, en prenant le temps, en opérant un travail minutieux ». Tout le paradoxe des réseaux sociaux : ils possèdent cette vertu de rappeler les fondamentaux, la pratique d'un art. Joann Sfar propose de « Dévoiler pour mieux montrer », il s'arrête sur le visage, le décompose dans tous les états de la femme au bain, car "Chez Bonnard, c'est le cauchemar ces femmes aux visages gommés !"
Une exposition-vente a lieu à l’Artcurial jusqu'au 24 avril, et la BD est disponible aux Editions Hazan.
Une rencontre avec un homme généreux, joyeux, manifestement heureux, et une exposition solaire.
Le 28 août prochain, jour de son anniversaire, il publie le nouveau tome du « Chat du Rabbin ». A surveiller…