Jeudi 5 mars, Guesh Patti, artiste complète qui chante, écrit, récite, chorégraphie et danse, répète et ajuste son spectacle ReVUe, qui sera présenté pour deux soirées exceptionnelles au théâtre de l’Atelier les lundi 9 et 16 mars. Adapté du livre « Autoportrait » d’Edouard Levé, Guesh Patti a veillé à ce que la danse prenne la parole : « Il s’agissait de créer un théâtre qui danse pour exprimer l’intensité que porte le texte ». Elle s’avoue influencée et admirative de Maguy Marin, à l’origine de la chorégraphie théâtrale et de Pina Baush. On se souvient à quel point la danseuse Guesh Patti l’emportait sur la chanteuse populaire, maintenant que l’on y songe. La revue est conçue en trois tableaux, qui correspondent à trois garçons. Une fille au milieu. « La construction s’appréhende à l’envers, comme en flashbacks, et relève d’un exercice de style. Le spectacle raconte l’histoire de cette femme, entourée de ces trois hommes. Une femme qui s’empare d’un texte d’hommes qui rappelle le rapport de Baudelaire avec Lola Montès ». Lola Montès, courtisane ? Non il n’est pas question de cela. L’histoire est plus abstraite et introspective. Cette femme se cherche, depuis l’enfance qui pourrait correspondre au premier tableau. Cette femme, c’est chacune de nous, c’est Guesh Patti. Il est question de se projeter, de relire son propre parcours avec « charme, humour et une dose de provocation, de manière charnelle ». Le livre forme l’autoportrait d’un homme, écrit de manière automatique et composé de phrases courtes et elliptiques. Autant de mots qui composent des associations d’idées et à la fin peignent la figure d’Edouard Levé. Un peu comme la Bible porte des textes qui se font écho, et qui dessinent l’image du Christ, lus bout à bout ou face à face, comme un dialogue intime. Ou comme le web. Une toile d’araignée : les fils tissent une âme et un partage. Les mots, les textes résistent pour mieux avancer. Il est question d’une Re-cherche, une quête de soi permanente, en toute humilité. A la manière de Marguerite Duras lorsqu’elle écrit la Douleur. Guesh Patti propose une autre référence : Nathalie Sarraute. Ou les tentatives d’Elisabeth Platel. Ainsi coordonnées, ses figures tutélaires semblent lui apporter leur soutien pour composer un tel spectacle contemporain. « Contemporain, c’est-à-dire un théâtre d’aujourd’hui, au sens littéral. L’interprétation fait écho aux réactions du public, aux humeurs, il s’agit d’un théâtre de l’instant, d’espace, une chorégraphie de situation (…) Un work in progress. Il faut s’adapter au lieu, à la dimension scénique, chaque représentation est une Re-découverte. Le Jeu, le Je, sont différents, la voix ne se pose pas toujours de manière identique, les gestes évoluent, et la respiration porte l’intention ». Olivier Balazuc, l’un des 3 hommes, a rejoint Guesh Patti pour l’interview. Il précise : « c’est comme l’aile du papillon qui esquisse un mouvement et son retentissement se ressent à l’autre bout de la planète, comme le mouvement des corps et leur infinité de variations. Ce théâtre porte une vérité de l’instant ». Laquelle vérité est scandée en rythme par une musique tantôt rocknroll, Nine Inch Nails, tantôt romantique, comme cette partition composée pour Guesh Patti par Johann Johannsson, qui soutient le dernier tableau. Il y a tout Guesh Patti dans cette proposition. Il y a la vie débridée. Le thème principal revient à Kevin Bryers. Un spectacle qui se démarque pour « offrir au plus grand nombre la recherche la plus pointue », mais aussi de l’inattendu, de l’improvisation, du rire et des larmes, bref de l’émotion à l’état pur.