Contes de la lune vague après la pluie de Mizoguchi, à l’Opéra-Comique

18 Mai 2015

Pas si comique cet opéra de chambre en un mouvement sur un livret d’Alain Perroux, d’après le film éponyme de Kenji Mizoguchi, légende japonaise. Créé en 2015 à l’Opéra de Rouen, en coproduction avec l’Opéra-Comique, les contes ont été adaptés pour deux soirées parisiennes extraordinaires, les 18 et 19 mai, par Xavier Dayer, sous la direction musicale de Jean-Philippe Wurtz avec l’ensemble Linéa, et une mise en scène de Vincent Huguet. La soirée combine art lyrique, création musicale ou théâtrale. Plus exactement l’opéra accommodé pour la scène lyrique, sur la base d’une réécriture des mythes japonais. Au point de départ, une œuvre littéraire et des figures originelles de mythologies japonaises, dans la plus pure veine du théâtre Nô de personnages et d’événements. L’agencement permet de rendre cet ensemble accessible, d’en réaliser une œuvre populaire qui raconte la société à travers une immersion personnelle.

L’opéra est singulier : constitué de deux fables classiques des années 1950, extraites des « Contes de pluie de lune » de Ueada Akinari (période Edo, Osaka), empreintes de fantômes, spectres et âmes sous les nuits pluvieuses de pleine lune, éclairées, même au cœur du brouillard le plus compact. En l’espèce l’opéra relie « L’impure passion d’un serpent » et « La maison dans les roseaux ». D’un côté, cette femme envoûte un homme dans un palais. Tout n’est que leurre et sortilège : la passion. De l’autre, un potier abandonne femme, enfant et village natal pour la ville, la guerre et la gloire : l’épure. L'illusion.

Les deux contes réunis sacralisent la figure féminine, esprit de lieux, et la symbiose entre deux hommes, deux épouses, et cette femme vipérine. L’histoire traduit l’Utopie.

Le film de Kenji Mizoguchi a été écrit en moins d’un mois. Il s’agit de l’un de ses derniers en noir et blanc, et la mise en scène à l’Opéra-Comique reprend cette sobriété et ce minimalisme, pour mettre en exergue des ambitions impures. Pour autant la noblesse surgit des décors, comme l’amour, même trahi, ou l’art, dévoyé. L’opéra de chambre de Xavier Dayer, composé de 9 musiciens propose un parterre musical sonore sobre et intimiste sans recherche d’effets, qui se préoccupe du contenu, en délicatesse. « Les poteries sont cuites », et il est déjà trop tard, car au fond, « la gloire, la guerre, la richesse, ne sont que chimères et mirages » ; « Nos illusions sont mortes sur les pierres, la poussière, la pluie d’automne ».

Etrangement à l’issue de la représentation, après le cocktail foyer Favart, dans ce lieu qui célèbre son tricentenaire, une pluie d’après l’été, lourde et romanesque s’invite. Signe du destin sans équivoque. Jérôme Deschamps, complice d’un autre trublion, Olivier Saladin, actuellement sous la direction de Didier Long, au théâtre de l’Atelier, a l’audace de proposer deux soirées inédites : « Il faut innover, proposer une autre forme d’art lyrique au public, ce n’est pas gagné, le public n’a pas l’habitude ». Pourtant, il semblerait que ce soir de première, le pari de relier cinéma-théâtre populaire-opéra-légendes soit au rendez-vous. Deux soirées pour un opéra-comique-théâtral-romanesque-lyrique : Esssst-cccccce suffisssssssaaaaannnnt ?????

A nous, public, de fournir la réponse.

Précisons que la Salle Favart est décorée de motifs imaginés par les élèves de l'Ecole Estienne #Japon

Pour prolonger : exposition "Du Nô à Mata Hari" au Musée Guimet réalisé avec la Fondation Oriente

www.opera-comique.com