L’histoire d’un type qui a besoin de respirer. Il travaille dans une agence de communication, ou de publicité, il écoute Bach, il habite Saint-Cloud avec une femme admirable, simple et solaire, égale et constante. Ils se comprennent, après de nombreuses années de mariage. Pourtant, ils ne sont plus dans l’écoute d’eux-mêmes, ni de leur couple, ni de l’autre. La routine les a gagnés. Ce soir-là, celui de son anniversaire, sa femme lui a réservé une surprise : elle a convié tous leurs amis, cachés dans leur salon enténébré. Ils lui offrent les mêmes éternels cadeaux liés à sa passion de l’aéropostale. Son Grand Projet. Ce genre de projets auxquels se raccrochent les personnes velléitaires. Il reçoit d’ailleurs un bon pour un vol. Or, Son Grand Projet ne pouvait pas se concrétiser ailleurs que dans son esprit ! C’est le déclic.
Il suffit de peu pour décider de partir. Pour ce qui le concerne, ce sera en kayak. Il lit un magazine, découvre cette embarcation qui l’hypnotise, et la commande. En kit. Il lit le manuel de survie de Rifi, Fifi et Loulou et Vol de nuit. Il apprend les bases, teste les mouvements sur le toit de son immeuble. Il doit être prêt pour le jour de son départ. Il a posé une semaine de vacances.
Son épouse remarque bien son changement radical. Il est plus insouciant, facétieux. Ses pupilles brillent davantage. Il oublie des choses, raconte des histoires. Il doit la tromper ? Non : ce n’est pas le genre de couples à se révéler infidèle.
Il la prend par la main et l’entraîne sur le toit de la résidence, qu’il a transformé en une cabane de pêcheur. Elle découvre son matériel et son plan. Elle le soutiendra.
Le jour arrive. Un bel après-midi ensoleillé et frais. Il a pour ambition de parcourir quelques dizaines de kilomètres, a identifié plusieurs villes-étapes.
Il n’ira pas vers la mer.
Il n’avancera jamais plus de 4 kilomètres.
Le film se déroule essentiellement sur l’eau, aux abords de Saint-Cloud et du périphérique, pendant une semaine, concentré autour de ces 4 kilomètres. Car parfois une aussi courte distance contente, permet de découvrir de belles personnes, se rappeler le charme et la quiétude de la nature, au point d’oublier que l’on se trouve en région parisienne, aux abords du tumulte. On se croirait dans un pays exotique, en vacances. La plus banale libellule se pare de couleurs extraordinaires. La fougère la plus terne, se transforme en une plante lumineuse. Tout est exacerbé, la vie, les sentiments, l’amitié, l’amour, la joie, la nature, une poule qui pond un œuf, un transistor, le linge qui sèche dans un jardin, l’absinthe.
Sandrine Kiberlain et les frères Podalydès, Agnès Jaoui qui se lâche tout à fait avec un naturel exquis, laissant entrevoir une peau d’albâtre qui n’aurait pas déplu à Maillol et une humeur joyeuse, proposent une comédie remplie d’enchantement et de plaisirs simples. On se prélasse sur les bords de Seine, comme chez les impressionnistes. Il y a là, une certaine idée d’un âge d’or pictural, transcendé par le cinéma. Et beaucoup de fantaisie.
Si vous restez à Paris cet été, et même si vous partez, ne ratez pas ce rendez-vous avec vous-même.