Tu m'as conquis j't'adon ! Bof ...
Une date : le 16 novembre 1532. Un lieu : Cajamarca. Les Espagnols, dirigés par le conquistador Francisco Pizarro capturent l’Inca Atahualpa à la tête d’un empire désorganisé de 4 000 km de long, qui commence à se déliter. Partis à la conquête du Pérou, les Espagnols vont aisément vaincre et soumettre un peuple illustre, constitué d’ethnies diverses qui constituent sa gloire et sa richesse. D’aucuns parlent de rencontre entre l’Inca et le conquistador, de conquête ou de découverte, à l’instar de Christophe Colomb. Il n’en est rien. A la vérité, il s’agit d’une collision entre deux hommes. D’une guerre et de l’écrasement d’une civilisation, spirituelle et culturelle, par une autre, guerrière. L’histoire était jusqu’à présent racontée par les vainqueurs : les Espagnols vantant leur victoire écrasante sur les indiens. D’ailleurs, les pièces espagnoles exposées relèvent d’un registre militaire : armes, armures, arquebuses, cuirasses molletonnées de coton qui résistent aux épées. L’Empire inca est davantage représenté à travers sa noblesse, ses bijoux, ornements, cérémoniels, croyances, rites. Cette exposition démontre que l’histoire peut aussi s’appréhender d’un autre point de vue, notamment grâce aux ouvrages extraordinairement renseignés. Ces lettres et notes retrouvées, de soldats et de fonctionnaires, ces livres et chroniques, rédigés par de nombreux écrivains, décrivent la mise en place d’une société coloniale. Au début, Atahualpa ne perçoit pas l’ennemi. Il laisse arriver la cavalerie espagnole sans comprendre qui sont ces barbus qui sortent de la mer, semblent ne jamais dormir ni manger. Ils guettent. Peu à peu Atahualpa se rend à l’évidence : les Espagnols ne sont pas inoffensifs. Il leur suffira d’une journée pour s’approprier cette mosaïque ethnique et linguistique, ces temples et ces palais, ces trésors inestimables, et redessiner une carte religieuse et économique de leur nouvel Empire. Entre L’Inca et le conquistador, l’enjeu était politique.
L'Inca et le Conquistador, jusqu'au 20 septembre. Musée du Quai Branly.
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