Shirley fait sa crâneuse, face à Dino, fameux crooner italien. Elle, reconnaissable entre mille. Son rire. Elle bêle. Etrangement, c’est charmant. Un atout singulier que seuls les italiens savent reconnaître et apprécier à leur juste mesure. Esthètes. Amateurs de belles et bonnes choses. Comme la vie qui pétille. Comme les spaghettis #saucebolognaise.
Après trois ans d’absence et une sacrée remise en question, le couple remonte sur scène. J’étais dubitative, je suis conquise. Ils ont concocté un spectacle qui raconte une histoire. Il ne s’agit pas d’un simple tour de chant, ou de sketches enchaînés sans logique. Il est question d’un chemin de vie. Tendre et émouvant, drôle et lumineux, chaleureux et enivrant, odorant et fumeux.
Entre le moment où le public entre en salle (et le duo en scène) et la sortie, presque deux heures plus tard (c’est court !), Dino, tout en égrenant chansons et sérénades, prépare des pâtes à la tomate, respectant scrupuleusement la recette de sa grand-mère. Il a tout prévu : le tablier, le foulard, le Marcel, la table et sa nappe à carreaux rouge et blanc, le réchaud, la tomate concassée l’huile d’olive les oignons le vin blanc et … l’origan. Des Pouilles. Région d’Italie parfumée subtile et raffinée, dont il est originaire. Même s’il nous fait traverser la botte, depuis l’orteil jusqu’au genou, Sicile Naples Bologne Rome Milan, les Pouilles demeurent ce lieu privilégié, source de toute inspiration. Ce conducteur, ignoré dans les spectacles précédents. Ce supplément d’âme.
Dino prépare cette sauce à la façon Nonna, qui êtes au cieux. Laquelle n’hésite pas à intervenir… en bonne mama italienne qui se respecte. Pendant que l’eau boue, avant qu’elle ne bloubloute, al dente, Dino croone. En italien, a capela, en espagnol, en américain. American Dream. Elvis Presley. C’est bien connu, les crooners ont tous été façonnés en Italie. Le rêve n’a jamais été américain, mais italien. Ordonc, il chante Ô sole mio ti amo et tchao tutti, embarquant le public avec lui. Il a tout prévu Dino crooner-charmeur. Le jeu de lumières comme un bal de 14 juillet, illuminant les flons flons de la fête. Les lampions, mais pas que. L’orchestre. Tout électro vibrant, coordonné par des instrumentistes de choix, premiers prix de conservatoire. C’est rouge piquant, blanc scintillant, bleu canard. Extravagant comme l’Italie. Et ça enchante. Alors : dites-le ! Ohhh. Ahhh. Chantez-le ! Dansez, même ! Ne soyez pas timide. Ça se situe entre Jersey Boys et Whiplash. Vous avez de la marge…
Et puis c’est poudré, soudain. Ça rappelle ce couple d’amoureux, un soir d’été, à la terrasse d’une jolie trattoria. Sur une place animée, ils sont seuls au monde. Il y a une fontaine, bien sûr, en fond sonore, parce que c’est la Dolce Vita ensemble.
Ne vous y trompez pas. Derrière les costumes, les jabots et les paillettes, il y a ce jeu étudié, cette chorégraphie pointilleuse, et ces saveurs qui parfument le théâtre de l’Atelier. Un spectacle plus profond qu’il n’y paraît. L’histoire est celle de Dino, qui a rencontré Shirley, mignonette. Mais avant cela, leur couple-duo comme ces oiseaux inséparables, il y a la grand-mère de Dino, et son grand-père et ses parents. Ces immigrés italiens, qui ont façonné la fierté de la France, et construit son identité. A l’instar de l’immigration arménienne, silencieuse. Ils étaient traités de « sale macaroni » pour les uns, ou de « arpar » (poubelles) pour les autres, ils n’en résistaient pas moins et s’intégraient davantage. Il leur suffisait d’un transistor. Ils écoutaient la phonétique, les mots, le vocabulaire, et apprenaient, tout en mettant leur savoir-faire particulier et différent au service de leur nouvelle patrie, et du bien commun. De ce pays qui avait accueilli leur exil.
De leur force, il demeure une nourriture savoureuse, et un courage exemplaire. Que Dino et Shirley, partagent volontiers, en musique.
Alors réservez votre place et courez découvrir le show de Shirley (elle, la crâneuse) et Dino (lui, le crooner). A la fin, vous pourrez vous délecter de Penne sauce tomate, qui laissent un arrière-goût de liberté et de joie de vivre. D’ailleurs révisez votre swing et l’hymne italien, ça peut vous être utile, une fois dans la place. Vous passerez une soirée éclatante, sen-sa … nelle.
Shirley et Dino au théâtre de l’Atelier. Dino fait son crooner, Shirley fait sa crâneuse. Jusqu’en … Oups ! au moins 2016.