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Le musée des Avelines à Saint-Cloud (92, Hauts-de-Seine), labellisé musée de France, expose un poète, critique, collectionneur et passeur d’art, grâce aux prêts du Musée d’Orsay et de la BNF, notamment. Plus de 180 œuvres inédites ont été rassemblées, réparties dans quatre salons, qui constituent un parcours pas si éloigné de l’histoire de l’art.
Destiné à une brillante carrière d’avocat, Emile Verhaeren laisse tout tomber pour se consacrer à l’écriture, la poésie en particulier. Belge, né dans les Flandres près d’Anvers, il passe les seize dernières années de sa vie à Saint-Cloud, avant de mourir fauché par un train à Rouen. Une mort brutale et inepte.
Il paraît que nous avons tous appris à l’école ses poèmes. Pour ma part, je n’en ai pas conservé trace, et cependant lorsque je lis aujourd’hui « Le vent », « Les pêcheurs » ou « Le forgeron », à la faveur de cette exposition, il me semble reconnaître les mots et métaphores. Considéré comme un poète visuel et moderne, ceci explique peut-être cela. Ses influences aussi et ses amitiés, renforcent ce sentiment de déjà lu déjà vu. Proche de Zweig, Rolland, Rilke, Pasternark, Gide, Mallarmé, Ensor, et de peintres notamment Le Sidaner ou Bourdelle, il a contribué à la visibilité de Signac, Seurat, Cross. Il était à l’initiative de cercles et salons littéraires, mêlant art, culture, littérature et politique et offrant une vision élargie du monde et de la société.
Ses poèmes racontent la vie, dans ses petits détails, et sa douce musicalité. Quoi de plus naturel que de les traduire au piano ?
Le soir du vernissage par le maire de Saint-Cloud et conseiller départemental des Hauts-de-Seine, Eric Berdoati, et l’ambassadeur de Belgique en France, Vincent Mertens de Wilmars, trois de ses poèmes ont été chantés, et adaptés pour restituer l’éloquence du poète : sous-tendus par une mélodie qui n’était pas sans rappeler Fauré, impressionniste, puis par une intensité opératique, et par une musique cinématographique. Comme le film d’une vie : l’on observe, ce qui nous entoure, les paysages et la nature, on s’inspire, on hume, on saisit des fulgurances ; L’on s’expose jusqu’à cette amplitude dramatique ; L’on s’invente se réinvente, comme si l’on scénarisait notre personnel et intime long-métrage.
Emile Verhaeren n’a cessé de construire des ponts, au travers de ses poésies, de ses chroniques et des artistes qu’il repérait, entre la France et la Belgique, et né près d’un fleuve, il terminera non loin de la Seine. L’homme était aussi "Le Passeur d’eau" et d’émotions. La guerre a façonné son style et ses préoccupations, l’a meurtri, et ses mots revendiquent les tourments de l’Histoire et ses prises de position. La naissance du monde industriel l’a aussi inquiété, les cheminées et les usines constituant une forme d’emprisonnement. Par-dessus tout ses poèmes et œuvres d’art, traduisent cet esprit de liberté qui l’animait, défenseur ardent d’un courant artistique avant-gardiste. Au fond, la joie et les plaisirs l’emportent sur les préoccupations sociales, et ses évocations sont sans pareil. L’on ne lit pas Emile Verhaeren, on « voit » ce qu’il écrit. Passeur de vie.
La première salle est consacrée à son cabinet de travail, puis le poète se transforme en critique d’art engagé, collectionneur militant d’une société en pleine révolution, avant d’entrer en guerre, dans la troisième salle. Utopiste, son discours devient patriote, et en se radicalisant, l’homme se marginalise. Pour autant, ses affinités symbolistes, exposées dans la dernière salle reflètent le poète et artiste idéaliste qu’il n’a jamais cessé d’être, en résonance avec Redon, Khnopff, Montand, Rodin.
Un personnage à découvrir, une poésie à redécouvrir, source d’apaisement au cœur d’une époque instable, aux valeurs dévoyées, où la poésie s’est insidieusement délitée.
Au musée des Avelines, jusqu'en mars 2016 : www.muse-saintcloud.fr où une programmation associée est en ligne (conférences, cycles pour les scolaires, concerts, lectures, ateliers d'art)