Le Théâtre de l'Atelier, et son directeur Didier Long (nommé l'an dernier), aiment ces rencontres particulières, entre pigistes et comédiens. Didier Long. "Ses" acteurs, ceux de "sa" troupe", pour aller "Danser à la Lughnasa", qu'il a mise en scène. Première adaptation pour cette rentrée 2015, dans « son » théâtre (il a été nommé la saison dernière directeur), lui qui précise « J’appartiens au théâtre ». Viscéral.
Au départ, une pièce sans intrigue. Une chronique familiale en Irlande, dont l'auteur, Brian Friel, est décédé deux jours après la première au théâtre, comme s'il avait naturellement trouvé son digne successeur, place Charles Dullin à Paris, et les exigences de l’association du Cartel, réanimées par Didier Long.
Le casting pour commencer: les bonnes personnes pour incarner les personnages et créer cet équilibre, parfois instable mais toujours juste, fondement d'une famille sur plusieurs décennies. Florence Thomassin résume : « J’ai amené le personnage à moi ». Tout est affaire d’apprivoisement.
Une même énergie les porte, tous, pour rendre palpables les petites choses du quotidien et cette collégialité, inhérente aux fratries. Car il est bien question d'un hommage à "la troupe", au « plateau », à travers cette pièce chorale, de comédiens.
On y entend la subjectivité du souvenir, une approche qui oscille entre vie réelle et illusoire, et en cela, la mise en scène est forte et théâtrale (au sens noble), composée de tableaux (littéralement, des cadres picturaux) par-dessus lesquels le petit garçon de sept ans devenu adulte nous raconte cet été-là, 1936, dans l’expectative du bal annuel de la Lughnasa.
Et puis, comme dans les plus belles histoires, celles qui laissent les souvenirs impérissables, comme une chanson de David Bowie (Life in Mars), il est question de trouver sa place, au sein de sa famille, dans la vie, dans la société, en accord avec soi-même. Sans se trahir.
Life in Mars, cette petite fille qui cherche sa place partout, au point de se réfugier, en vain, dans une salle de cinéma. Elle aurait pu s'inviter dans cette famille irlandaise, à coup sûr elle l'aurait trouvée. Ici, point d’égos, de différences, de caprices, de vacuité : les générations comme les écoles et apprentissages du métier se mêlent, au service des intentions de Brian Friel, passées au tamis de Didier Long : « On ne cesse jamais de se familiariser », précise Léna Bréban.
C'est aussi une pièce humaniste et religieuse, œcuménique, qui prône l'ouverture d'esprit, la tolérance, l’intégrité, et une certaine éthique de vie.
Sur une musique composée par François Peyrony, mêlant folklore celte, jazz et ses propres compositions, ce voyage en Irlande nous ramène au cœur de notre propre famille.
Danser à la Lughnasa, Brian Friel mise en scène Didier Long