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Marchal par Marchal, portrait intime, 13ème Rue

Olivier Marchal, filmé par sa femme, Catherine. Marchal par Marchal, portrait intime. Une commande de la chaîne câblée 13ème Rue, qui s’inscrit dans la diffusion de l’intégrale des films d’Olivier Marchal, ex-flic devenu réalisateur français incontesté de polars et de thrillers.

Forcément, le portrait est subjectif et tronqué. Car Catherine Marchal n’est pas seulement l’épouse d’Olivier Marchal depuis vingt ans, ni la mère de leurs quatre enfants, ni sa seule actrice récurrente, éternelle femme policier au regard révolver, stricte, blonde, froide, digne, qui ne ploie pas, comme une héroïne Hitchcockienne. Catherine Marchal est davantage. Sa complice. Lorsque le couple emploie ce terme, dans un même élan, la notion prend un éclat particulier. Même l’Amour ne semble pas à la hauteur. Par-delà la complicité, il n’y a rien. C’est le summum, et le couple en a fait sa force.

Olivier Marchal ne s’en cache pas : il a un rapport non pas misogyne ou phallocrate avec les femmes, pas non plus empreint d’indifférence ou de mépris, qui ne relève pas davantage d’une timidité ou d’une arrogance, non rien de tout cela ; Olivier Marchal est juste un pote au masculin. Il a développé cet état d’esprit viril de franche camaraderie, inhérent aux « troupes », comme celles de théâtre, cet état d’esprit qui fait partie de la panoplie du flic. On adopte une famille, plus importante, intime et soudée que sa propre parentèle. Une famille singulière, sans lien de consanguinité, qui développe son langage, ses gestes, ses symboles, ses codes, comme au sein d’une confrérie, d’une assemblée de rugbymen. Peut-être parce que cela leur permet de conjurer les travers sociaux et sociétaux, car ils sont en première ligne et qu’ils se prennent le pire en pleine figure, les policiers. Là où le sang gicle. D’ailleurs, s’ils sont la plupart du temps vêtus de cuir, c’est parce que sur le cuir, tout s’efface : le sang, en particulier.

Catherine Marchal est comédienne. Elle n’est pas réalisatrice. Etait-elle légitime pour relever cet enjeu ? Oui, parce que la complicité permet tout. Il ne s’agit pas d’un portrait énamouré d’un mari, ni d’une hagiographie d’un réalisateur reconnu, ni d’une plongée voyeuriste dans la carrière d’un policier démissionnaire. Juste le portrait d’un homme, qui est d'abord écrivain et comédien, et qui traduit en mots, puis en images, ses failles et ses blessures. Des fêlures profondes et ineffables.

Dans le documentaire, la réalisatrice interroge l’homme sur la scène déserte du théâtre des Bouffes Parisiens, là, précisément où le couple s’est formé. Ils répétaient Oncle Vania. Ils sont seuls, face à face, moitié à l’aise, moitié gênés, se tutoient, se vouvoient, ils ne savent plus très bien, effarouchés. L’échange, informel, est spontané, sans construction, libre. Leurs propos sont entrecoupés de moments clés qui ont marqué le parcours d’Olivier Marchal. Quelques scènes de ses films cultes. MR73, évidemment, en référence à ce flingue à l’origine de sa rupture avec la police. Un film cruel, qui n’en finit pas d’être cruel, d’après une histoire vraie qui l’a anéanti. Ce film-là est aussi révélateur de sa manière de tourner, d’appréhender le déroulé d’une histoire : tout en flash-backs, un pas en avant, deux en arrière, jusqu’à l’acte final, au présent, qui achève et qui brise. Il retarde, pour poignarder d’un geste franc, irréfragable.

Après le fait divers à l’origine de MR73, une fois sa carte de police rendue, il avait à vomir, Olivier Marchal, vomir ses tripes, vomir la violence, vomir les tragédies, vomir les yeux de ses deux petites sœurs retrouvées dans un placard, qui avaient survécu au massacre de leurs parents en silence. Vomir l'indicible.

Ses premiers films sont noirs au sens littéral et figuré, denses jusqu’à la confusion ou la folie, comme s’il y avait une urgence à tout y insérer : le sang, le viol, la barbarie, la torture, l’enfance meurtrie, la sauvagerie, et surtout les accommodements, les bassesses et les mensonges d’une police parfois corrompue. Bien sûr, il dramatise. A l’excès. Pour mieux dénoncer, et sans doute évacuer, lui cet homme d'éthique et d’honneur.

S’il n’était probablement pas né pour être flic, cette carrière était un passage obligé pour révéler le cinéaste. Qui s’améliore de scénario en réalisation. Jusqu’au récent Borderline, aiguisé, vif et poignant. Inspiré d’une autre histoire vraie. Au fond il ne dit pas autre chose que dans les précédents, avec « ses » acteurs, fidèles. Nahon, Lecluyse, Depardieu, Auteuil, Wolkowitch, et Catherine Marchal. Seule femme parmi les hommes.

Dans son documentaire, Catherine Marchal ne dévoile rien que l’on ne sache déjà, et pourtant elle atteint. C’est qu’elle a appris à tirer elle aussi, et viser juste. Lorsque la production (Label image) lui a proposé le projet, après un temps de suspension, elle a griffonné quelques idées sur un bout de papier, comment elle voyait les choses, d’instinct. C’était parti, sans aucun doute. Catherine Marchal remercie la liberté que la chaîne 13ème Rue lui a accordée, elle n’a rencontré aucune entrave, et a même bénéficié de quelques minutes supplémentaires. Un docu de 54 minutes, après 10 heures de rushes. Elle loue le travail du monteur, Patrice Bousquet, qui a compris sa mécanique précise, celle du couple, et ordonné les images nécessaires, a su les relier pour former un conducteur a posteriori. Un conducteur naturel, qui s’est imposé, car Olivier Marchal ne ment pas lorsqu’il se livre. La caméra ne rencontre pas vraiment de difficultés pour le suivre, et les images mises bout à bout laissent apparaître un homme prévisible, au sens aigu : droit. Fragile et loyal, généreux et discret, déterminé et juste. Né pour protéger, et à défaut d’une arme, il emploie la caméra.

Il n’est pas différent aujourd’hui, le même qu’hier, il ne cède à rien de superflu ou de superfétatoire. Il raconte des histoires, démoniaques, qui n’en sont pas moins l’exact reflet d’une société qui dérive, et en cela son cinéma est vertueux : il ne cache rien, ne trahit pas, ne vole personne. Il est vrai, cinéma-témoigne.

Le soir de la projection en avant-première, si Catherine Marchal se prête au jeu des interviews, souriante et aimable, Olivier Marchal trépigne. Il n’est pas tellement à sa place, sans "sa" bande, la picole et la fête. Limite asocial, même s’il n’a pas son pareil pour détendre l’atmosphère. Il s’absente par intermittence, et discute plus volontiers avec le videur, dont il découvre qu’il a « une tronche », « une gueule de cinéma », et hop, échanges de cartes. Tout en lui est tourné vers ses histoires, ses potes, ses enfants, sa complice. Le reste, c’est pas sa came. D’autant moins que tout est dit dans ses films. Que pourrait-il bien rajouter aux journalistes ?

Catherine Marchal le raconte avec mesure. Elle offre un beau cadeau à travers ce documentaire, qu’elle a su émailler de témoignages inattendus. La sœur d’Olivier Marchal, Delphine, Martine Monteil, La femme-flic que j'ai eu la chance de rencontrer lors de l'exposition consacrée au centenaire de la PJ, Zoé leur fille. Son ami d’enfance, Philippe Viaud, et sa « bande », ces acteurs qui portent ses propos avec une justesse et une aisance remarquable, possédés par Marchal. Michel Neyret. Ses références ne sont pas ignorées : Serpico, San Antonio, Fitzgerald, Tchekov.

Personnellement, je regrette que l’on n’en ait pas appris davantage sur Olivier Marchal au travail, sur son processus créatif et d’écriture. Mais cela ne s’insèrerait-il pas dans ce qui relève de l’intimité, ce que Catherine Marchal a décidé de ne pas montrer ?

Olivier Marchal prétend qu'il est resté "un petit garçon, de douze ans". Soudain, une dernière interrogation qui surgit : son MR73, saura-t-il un jour le remiser, définitivement ? Cessera-t-il un jour d’avoir peur, Olivier Marchal ? Cessera-t-il de se réfugier derrière ce petite garçon innocent ? Faudra-t-il attendre que son propre fils ait atteint cet âge de douze ans, pour qu'il soit enfin délivré ?

Marchal par Marchal, portrait intime

Diffusion sur la chaîne 13ème rue, du polar, le 12 novembre, à 22h40, en introduction d’un cycle Olivier Marchal jusqu’au 3 décembre.

36 Quai des Orfèvres, 12 novembre, 20h45

Les Lyonnais, 19 novembre, 20h45

MR73, 19 novembre, 22h30

Un p’tit gars de Ménilmontant, 26 novembre, 20h45

Borderline, 3 décembre, 20h45

13ème RUE est une chaîne du groupe NBCUniversal disponible sur CANALSAT et NUMERICABLE

Marchal par Marchal, portrait intime
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Marchal par Marchal, portrait intime

Marchal par Marchal, portrait intime

Tag(s) : #Audiovisuel
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