Un soir de première au Théâtre de l’Atelier, place Dullin. Un soir doux de décembre, et illuminé. Bientôt ce serait Noël. Ce soir-là, de première, Isabelle Carré, plus étonnante que jamais, jouait pour la première fois ce texte de Paul Zindler, offrant au public sa première mise en scène. Elle interprétait cette mère déjantée, un genre d’Erin Brokovitch en plus (sur la forme) et en moins (sur le fond), seventies à outrance dans sa tunique hippie, qui élève seule, de singulière manière, très peu orthodoxe, dans un dialecte imagé sans complaisance qui fuse comme de petites ogives nucléaires, ses deux filles, qui jouaient au théâtre pour la première fois. Deux jeunes premières, fraîches comme le printemps et déjà solides face au public, à la fois exigeant et bienveillant, en ces soirs de première.
Si vous voulez mon avis, c’est LA pièce qu’il vous faut voir en cette fin d’année 2015, davantage marquée par l’effroi que par la joie. Car cette pièce rappelle à quel point il est important d’aller au bout de ses rêves, de ne pas se trahir, de se travestir … avec raison, de se divertir … avec passion. Cette pièce, c’est #Supernature.
Deux filles opposées : la brune d'apparence terne, longue et dégingandée, aux cheveux filasses et longs comme ses bras ballants le long de son corps gênant, passionnée d’atomes, qui n’en a aucun de crochu avec sa sœur, blonde au visage ravissant de poupée, dans ses jean’s moulants patte d’eph’ et ses pulls à lui couper la circulation sanguine, rouge sanguin aux lèvres. D’un point de vue cérébral, pas davantage d’influence d’un quelconque rayon gamma, pour réunir les gamines. La brune, studieuse et renfermée, toute à ses expériences scientifiques sur les marguerites et la blonde, évanescente, insouciante, virevoltante. Chacune sa manière d’exister dans cette demeure chaotique nébuleuse, aux côtés d’une mère fantasque, irresponsable, si piquante. Des répliques savoureuses, qu’Isabelle Carré prend le temps de jeter à la figure de ses filles, et ça fait mouche. La salle s’offusque ou rit. La salle réagit.
A travers ces dialogues obscurs et ces comportements excessifs, c’est l’histoire d’une mère-célibataire immature (ce genre de rôles qui correspond à Isabelle Carré, comme dans Respire de Mélanie Laurent avec Lou de Laâge et Joséphine Japy), encore adolescente, qui aime ses enfants, deux ados si mûres. Ce qu’elle ignore, c’est comment les aimer. Les rayons gamma auront-ils le pouvoir d’unir ces trois femmes-marguerites, les remettre chacune dans la lumière qui leur correspond ?
Place Dullin, Isabelle Carré, Alice Isaaz et Lily Taïeb (en alternance avec Armande Boulanger) vous l’expliqueront mieux que moi, pour 30 représentations exceptionnelles. Gageons que soir après soir, dans cet écrin de théâtre, chacune saura conduire son personnage au paroxysme de son comportement, comme ces marguerites en gestation dans leur boîte.
Isabelle Carré, assistée de Manèle Labidi-Labbé, assure-t-elle la relève de Paul Newman par le théâtre ?
Dans la foulée, laissez-vous tenter par les Brigades rouge, et le duo Romane-Richard Bohringer : "J'avais un beau ballon rouge".
De l'influence des rayons gamma sur l'influence des marguerites #supernature
Bob Dylan - Precious Angel ... Shine your light ... De l'influence de Bob Dylan sur les marguerites