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La Médiation
La Médiation

Le théâtre de Poche, à Montparnasse, est minuscule et intimiste. Une poche dans laquelle on a déposé l’essentiel, rien de superflu, pour mieux se retrouver. L’atmosphère y est délicieuse, charmant refuge, au fond de l’impasse, où il est possible de grignoter une maquerelle au vin blanc, une sardinette à la tomate, de boire un grog, de déguster une soupe. Comme chez soi, douillet et confortable. Avant la séance qui va commencer. Nous sommes en famille. Le père, Philippe, s’anime ici ou là, dégageant une tendresse burinée et voûtée, authentique, que les plateaux de télévision lui ôtent. Les filles, souriantes, aimables, polies, discrètes, au relationnel affûté et malin, entre billetterie et bar. Les comédiens passent, Julien commande un café, Chloé dépose ses costumes, Ophélia se faufile avec un thé chaud rejoindre Raphaëline. Tous souriants, regardent dans les yeux. Hier soir, c’était « La Médiation », une pièce moderne et rythmée, de et avec Chloé Lambert (Anna), mise en scène par Julien Boisselier (Pierre). Un couple va régler sa séparation devant Jeanne (Ophélia Kolb) et Isabelle (Raphaëline Goupilleau), médiatrices. Avant que le juge ne statue.

Pierre et Anna se sont séparés alors qu’Archimède, leur petit garçon n’avait que six mois, et depuis ils s’affrontent, s’épient, se font du mal. Trois actes, trois séances de médiation pour trouver une issue à leur situation, dont l’enjeu est Archimède, petit bout de trois ans, à présent, qui n’a rien demandé, absent des échanges, incarné par une chaise-grenouille haute comme trois pommes. Comme si la valeur d’un enfant pouvait s’appréhender au travers d’un objet, enfant-alibi, enfant-prétexte à des parents qui se sont égarés. La médiation ne va pas se dérouler de manière neutre et impartiale, sans jugement, bouleversant éthique et déontologie. Pierre et Anna s'invectivent, se trahissent et s’outragent, oubliant l’amour qui les a unis un jour, et le désir qu’ils ont éprouvé, avant de concevoir leur enfant, Archimède, qu'ils ignorent aujourd'hui. Les deux professionnelles du dispositif ont elles-mêmes de sacrés comptes à régler : mère et fille vont peu à peu s'opposer à leur tour. Les personnages évoluent tour à tour, l’un dévoilant ce que l’autre tait. Les personnalités s’affirment à l’aune des mots prononcés, des mesquineries et autres coups bas, des tensions, des situations exposées. La conciliation attendue n’est pas celle que l’on croît, et les apparences, comme souvent, trompeuses.

Le texte est soigné et les dialogues élégants, en dépit du contexte éprouvant et cynique qui pourrait tourner à l'agression ordinaire et vulgaire d’un couple qui se sépare. Les trois parties équilibrées, les faits mesurés. Les jeux harmonieux et, sur scène, chaque personnage trouve sa place, tantôt enténébrée, tantôt illuminée, égotiste ou altruiste. La cadence souligne un propos rude, la tonalité ne faiblit pas, oscillant entre cruauté et rires. Rires que l'on aimerait pourtant pouvoir effacer. C’est habile. La mise en scène, minimaliste, renforce le sujet, dont le traitement aurait pu se traduire en une pièce pesante et pontifiante. La partition est propre, les comédiens éloquents et la médiation, à sa manière, efficace et vertueuse : la vérité triomphe, pour le bien de l’enfant, son intérêt supérieur et sa considération.

Au Poche Montparnasse, au 01 45 44 50 21, www.theatredepochemontparnasse.com

La Médiation, au Théâtre de Poche Montparnasse
La Médiation, au Théâtre de Poche Montparnasse

La Médiation, au Théâtre de Poche Montparnasse

Tag(s) : #Théâtre
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