« Un jour fait de morceaux mauves jaunes bleus verts et rouges » Chagall, Paris par la fenêtre, de Guillaume Apollinaire, À travers l'Europe (extrait), publié dans Calligrammes, 1918.
Cette exposition porte un regard mauve jaune bleu vert rouge sur le rôle de Guillaume Apollinaire, critique et passeur d’art, observateur à l’affût des mutations esthétiques à l’aube du XXe siècle. Un œil acéré et éclectique, en quête permanente de modernité, qui prend davantage de sens aujourd’hui, à l’heure d’une transformation numérique qui impacte aussi les arts. Apollinaire était curieux, s’imprégnant de toutes les formes d’expressions artistiques : le cirque de la Belle Epoque, la littérature et la poésie, la peinture, les arts plastiques. Gageons que la culture du XXIe siècle l’aurait fasciné, et qu’il aurait fait bon usage des médias sociaux pour traduire et nourrir sa pensée. La première salle, jaune lumière, évoque « l’homme – époque », ainsi décrit par le compositeur Alberto Savinio, frère de Giogio Chirico. Apollinaire témoin de son temps, le regard en liberté, avant-gardiste. Il s’inspire de la rue, des affiches, du cinéma, de la photographie, des spectacles et ballets russes. L’époque d’une amitié avec le Douanier Rousseau. Celle de ses amours avec Marie Laurencin. Une salle blanche présente ses méditations esthétiques, son rapport aux courants picturaux, du cubisme à l’orphisme en passant par le fauvisme. Passerelles et influences, dialogue avec Cézanne, De Vlaminck, Braque, Chagall, Delaunay, et Picasso en particulier. Un salon bleu, enfin, offre un focus sur ses expérimentations, en particulier les calligrammes. Salon-transition, les œuvres exposées préfigurent une nouvelle génération d’artistes, celle d’André Breton. La dernière salle, en aparté, est consacrée à l’influence d’Apollinaire envers Paul Guillaume, avec comme passion-trait-d’union les arts africains. Cette salle résume le propos général : Apollinaire à la recherche de modernité, dans l’héritage de Baudelaire. Sa devise était éloquente : « J’émerveille ». On n’a pas trouvé mieux. Une exposition flamboyante et lyrique, où la poétique visuelle s’impose.
Apollinaire, le regard du poète. Musée de l’Orangerie. Jusqu’au 18 juillet. www.musee-orangerie.fr