Le musée du Grand Palais a décidé de frapper un grand coup avec cette exposition atypique : Carambolages, à la signature éloquente : « Listen Your Eyes ». Le commissaire Jean-Hubert Martin, historien de l’art, entend susciter nos cinq sens, en particulier « le regard, sans audioguide, sans légende et loin de tous repères chronologiques ou ordre spatio-temporel rigides ». Il a élaboré un parcours intuitif et non savant, où l’artiste prend moins d’importance que le visiteur, personne centrale de l’exposition. Ce système analogique (l’œuvre précédente appelle la suivante) créé des thématiques, des agrégations comme autant de petits ensembles, mais cela n’est pas intentionnel, assure-t-il. Le point de départ ? « Des œuvres surprenantes, intemporelles, inclassables, fortes en soi, qui provoquent la curiosité, un impact visuel et une émotion particulières ». Il ne s’agit pas nécessairement de chefs d’œuvres de l’histoire de l’art, un Rembrandt, un Picasso, un Giacometti peuvent côtoyer une installation d’Annette Messager ou de Christian Boltanski, un marbre de Sergel, les peintres de l’Ecole vénitienne font écho aux flamands, une estampe de Gautier d’Agoty fera appel à un reliquaire, un Buddha sera suivi de boucliers ou de statuettes, ou d’un musaraigne d’Egypte. Près de 200 œuvres ont été sélectionnées pour cette déambulation dans l’histoire de l’art. « L’enjeu est de démocratiser l’art, le rendre accessible à tous », et Jean-Hubert Martin termine « Je suis sûr qu’en observant les œuvres exposées, sans information d’aucune sorte, vous saurez convoquer votre imaginaire et recueillir une somme d’éléments incroyables et encore inédits ». Sauf que la mission d’un musée n’est-elle pas de guider ce genre d’explorations artistiques, d’éveiller en fournissant des jalons ? Quid des intentions des auteurs ? Jean-Hubert Martin sourit : « Qui peut prétendre connaître avec certitude les intentions des artistes ? Il importe moins de réfléchir devant une œuvre marquante et universelle de l’histoire de l’art, de laisser son instinct parler et de tester son œil, que de se raccrocher à un discours formaté. Qu’est-ce que Vous en pensez ? ». Le débat est ouvert, à vous de vous forger votre opinion. A la fin, histoire d’enfoncer le clou (une œuvre d’Ilya Kabakov), le parcours se termine par le drapeau tricolore (Léon Cogniet), symbole de liberté, et avec un artiste magistral : Victor Hugo. C’est à vous de tirer votre coup de billard au Grand Palais. Votre bille fera-t-elle ricochet ?
Carambolages, aux Galeries nationales du Grand Palais, entrée Clémenceau. Jusqu’au 4 juillet. Une exposition organisée par la Réunion des musées nationaux-Grand Palais. www.grandpalais.fr
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