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Extrait. Ça va être un peu long pour un billet de blog. Un chapitre, en condensé. Ça en vaut la peine, même si d’aucuns auraient peut-être choisi d’autres passages.
« Le voyage étonnant d’un billet de 50 euros », donc, ai-je retenu.
« L’action se situe dans un charmant petit village comme il y en a tant dans notre merveilleux pays. Nous sommes au Café du Commerce, qui fait également office d’hôtel : l’Hôtel du Commerce. Un matin une petite dame arrivée par le bus se présente au bar qui fait office de réception de l’hôtel. C’est le côté pratique de la province. Elle est de passage dans le village pour la journée, en voyage d’affaires, mais elle n’est pas sûre de prendre le dernier bus du soir.
[Entre parenthèses, Messieurs les auteurs, en province il s’agirait davantage d’un car. Mais bon, un bus fera l’affaire].
Pour s’assurer qu’elle ne dormira pas dehors, elle demande à réserver une chambre. Elle donne un billet de 50 euros au patron de l’hôtel (donc au bar) en guise d’acompte, en s’excusant pour la petite tache qu’il y a sur le billet. Puis elle vaque à ses occupations. »
[À partir de ce moment, je vais me permettre d’appuyer sur FF >> pour accélérer la journée, si vous le voulez bien]
Le patron du bar règle ses 50 euros de dette à l’un de ses clients, justement au bar, qui l’interpelle. Le client règle ses 50 euros de dette au boulanger, qui lui-même règle ses 50 euros de dette au dentiste, qui règle à son tour ses 50 euros de dette …
[Revenons à la vitesse normale à présent]
« … à son QG, le Café du Commerce. Là, il paie avec le billet son ardoise de la semaine, du coup le patron lui offre un verre. [Ellipse]. À ce moment-là, la petite dame revient et dit, soulagée :
- Finalement j’ai fini plus tôt que prévu, je n’ai plus besoin de la chambre.
Parfait ! Tout s’arrange, le patron lui redonne le même billet taché, billet que la dame reconnaît. Sur quoi elle lui avoue :
- Merci c’est sympa, de toute façon il était faux.
Elle le déchire et s’en va en ricanant »
Voici la preuve par l’exemple que la dette n’existe pas. Bien sûr, cela n’est pas suffisant comme démonstration, je vous l’accorde, voire réducteur et biaisé. Comme quelqu’un qui se déclarerait heureux de se sentir parisien, quand il est en province. Ouf ! À Paris, il n’y a pas de dette, concluerait-il.
En fait, c’est un peu plus complexe et, sous couvert d’ironie et d’un style léger quoique corrosif, le propos n’en demeure pas moins étayé, précis et net. L’art de la vulgarisation.
Qu’est-ce que la dette ?
« La monnaie est une convention sociale reposant sur la confiance, elle n’a d’autre valeur que celle que nous luis accordons. C’est uniquement parce que certains cautionnent cette valeur de façon crédible que nous y croyons », poursuivent les auteurs, et décidément j’y tiens à ce chapitre.
C’est que les auteurs s’engagent : « Vous allez enfin tout comprendre ! ». Et force est de constater, parvenue à l’épilogue que la dette ne recèle plus aucune ambiguïté pour moi. Comment cela est-il possible ? Je pousse le raisonnement plus en amont : comment est-il possible que j’aie eu envie de m’y intéresser soudain ?
Ma foi, un peu comme les auteurs. Eux, assistent à un débat, c’est le déclic : mais au fait, la dette, c’est quoi ? « On » entend des sommes extravagantes, mais concrètement, qu’est-ce que cela signifie ?
La somme avancée est lourde : « La dette publique française se monte à 2.000 milliards d’euros ! La vache ! » lancent Alévêque et Glenn tout de go. Pan dans ta gueule. Et de préciser au cas où : « Ça fait beaucoup de zéros ». Selon eux : « Cela représente, si l’on empile des billets de 100 euros, l’Arc de Triomphe. » Pas de quoi triompher, si je peux me permettre ce trait d’humour à mon tour. Bref. Déjà plus concret.
Les auteurs se documentent, lisent, décortiquent, écoutent, se font des replay de discours, comparent, recroisent leurs données, s’appuient sur des théoriciens et des théorèmes, et la conclusion est sans appel : la dette est un leurre, et déjà en 3500 avant JC, en Egypte, la dette faisait son apparition. Au commencement. À l’ère du troc.
On en apprend beaucoup, à commencer par la crise, qui « Comme nous l’explique Susan George, le mot « crise », en bon grec, c’est le moment de décision, le point où soit l’on meurt, soit l’on reprend vie ». Je touche du bois : je suis toujours en vie, donc pas en crise ? C’est parti pour un raisonnement vif et lumineux, qui déroule la dette, souveraine, publique, privée, la masse monétaire.
Dette, patrimoine et intérêts…
En regard de la dette de la France, il convient de se préoccuper des richesses, or « La France aussi a un patrimoine, détenu par les ménages, les entreprises et l’Etat. Il est d’environ 16.700 milliards d’euros, soit plus de huit fois la dette ! ». Mazette… D’un coup, on se détend. Sauf que surgit le problème des enfants : « Qu’est-ce qu’on va laisser à nos enfants ? », sachant que « Chaque enfant qui naît en France doit 30.000 euros au titre de la dette publique ». Est-ce que cet argument tient la route ? Ben, pas tant que ça : « Le bébé français naît riche et endetté, mais sept fois plus riche qu’endetté », en réalité, avec un patrimoine des ménages évalué à 429.000 euros par ménage, que multiplie le nombre de ménages, « on obtient 11.939 milliards d’euros ». Plus le patrimoine de l’Etat et des collectivités locales (2.500 milliards). Tout compte fait, le bébé, il n’a pas de souci à se faire, pas plus que ça disons. Sauf que … c’est sans compter les intérêts : « À la louche, 50 milliards d’euros en 2014 » (toutes les explications dans l’ouvrage). Les auteurs poursuivent en posant des questions de bon sens : « À qui doit-on cet argent ? » et d’autres encore, du même acabit auxquelles ils répondent sans ambages. Tout ça pour en arriver à cette conclusion, empruntée à Roosevelt : « La seule chose qu’il faut craindre, c’est la peur ». Eh ouais : moins la dette que la peur, et la culpabilité et les croyances. Ne pas céder aux rumeurs, aux propos abscons genre « Cette crise est systémique. Ça veut juste dire qu’elle est systématique ».
À l’instar des auteurs, sachons prendre nos distances avec la dette, démystifions le sujet, et quoi de mieux qu’une fête ? Christophe Alévêque et Vincent Glenn qui rappellent « Nous avons jubilé de la dette » (quelle verve, y’a pas à dire !), nous invitent, comme ça mine de rien, à célébrer la dette. Puisqu’on a tout compris du sujet, et qu’il ne nous effraie plus, soyons fous et malicieux : profitons-en !
Au CentQuatre à Paris (à sujet capital, lieu central du Parisiannisme, tout de même), à partir de 19h, le 28 mai. Soyez au rendez-vous ! Avec Renaud comme parrain de cette 3ème fête, déjà –comme le temps passe, le magicien Antoine qui fera carrément disparaître la dette (qui rappelons-le est virtuelle). Tous les bénéfices de cette soirée ludique, éducative et solidaire seront reversés au Secours Populaire. Au programme, un spectacle, des animations, un bal. Bref une fête populaire pour une dette qui nous concerne tous.
« On marche sur la dette. Vous allez enfin comprendre ! » Christophe Alévêque et Vincent Glenn, éditions de la Martinière. Nouvelle édition, augmentée, 15 euros, 211 pages.