La Franc-Maçonnerie, un sujet de circonstance, même s’il n’est pas médiatisé. Depuis ses origines (15e siècle) à aujourd’hui, la Franc-Maçonnerie ne cesse d’éclairer les ténèbres (normalement). Plus que jamais d’actualité, donc, ces jours-ci, la lecture de ce nouvel ouvrage que les éditions Trédaniel viennent de publier, complétant leur collection didactique d’apprentissage, en 3 minutes. La gravure d’introduction est éloquente : « La Maçonnerie secourant l’humanité », datée du milieu du 19e siècle. L’humanité en aurait bien besoin des travaux des francs-maçons, mais peut-être se sont-ils éloignés des ambitions originelles, louables et nobles à mesure que le mystère qui entoure cette société disparaît, et que les rituels sont dévoilés. Auraient-ils abdiqué ou dévoyé leur intention première ? Parce que force est de constater que l’humanité est secouée, meurtrie, à vif. D’autant que, comme l’introduit Laurent Kupferman « Depuis sa création, dans sa forme dite –spéculative – en Angleterre en 1717, la franc-maçonnerie s’est répandue à travers le monde, où les loges sont présentes sur les cinq continents ». Le "monde" de la Franc-Maçonnerie est concerné.
Il est moins question de morale que d’occulte en franc-maçonnerie, qui se conçoit d’abord comme « une société initiatique regroupant des individus (…) unis par une quête commune de vérité sur la condition humaine ». Je préfère Balzac.
Ils ont du boulot, ces dernières années, les francs maçons. Ils ont cependant dû rater le sens de leur démarche : « La recherche de la vérité, le devoir de solidarité, la volonté de répandre l’amour fraternel qui les unit à tous les humains, tels sont les trois principes fondamentaux ». Nous ne sommes qu’en page 9 et, si le lecteur s’arrêtait ici, il saurait l’essentiel et le monde irait mieux. Plus fraternel. Ce n’est pas le cas, ce week-end, de Nice en Turquie, confirme le pire. Alors ceux qui ont 3 minutes à consacrer à la lecture, je vous invite à découvrir ce que représente la Franc-Maçonnerie, et j’enjoins les francs maçons à reconsidérer leur rôle.
Par le vécu
J’ai été approchée moi-même voilà quelques années par une Vénérable Maître. C’était lors d’une réunion de professionnels de la communication. Cette personne, une femme donc (les femmes dirigent aussi les loges, parfois mixtes), m'invite à déjeuner, ayant perçu en moi des valeurs, un discours, des propos, des travaux (notamment romanesques) susceptibles de faire de moi un compagnon. Elle m’explique le rite et la méthode, les rituels, les sujets sur lesquels la loge en question réfléchissait, sociaux et sociétaux, et me raconte l’enquête dont j’allais faire l’objet si j’acceptais. Pourquoi pas, m’étais-je dit à ce moment particulier de ma vie, de transition. Je quittai le Groupe La Poste après 17 ans de Dircom', je publiai mon nouveau roman –toujours sur le thème des enfants, des relations parents-enfants à partir d’un fait de société, je me posais des questions, je réfléchissais beaucoup aux symboles, aux coïncidences et aux signes, au destin en vérité, aux mythes, et d’ailleurs ma figure tutélaire, je ne le cache pas, demeure Médée, j’enquêtais sur mes origines et mon arménité. Bref j’étais mûre, une « proie » idéale à ce moment de ma vie. Prête pour l’étape d’après, dans ma quête.
Sur ses conseils, j'ai rédigé une lettre de motivation. Elle a détaillé le profil des enquêteurs en vue de La rencontre, qui devait vérifier la cohérence de mon discours et de mes actes, son articulation avec ma vie, mes références politiques, mes valeurs humaines, mon parcours professionnel et personnel. D’emblée elle avait insisté : En aucun cas il ne sera question de jugement, nous ne jugeons pas, a fortiori dans une loge mixte, avait-elle jugé nécessaire de préciser. Se justifier ainsi aurait dû m’alerter, mais je devais faire mon expérience toute seule. J’avais lu l’ouvrage de Christophe Bourseiller, qui racontait sa propre initiation. La seule chose que j’avais décidé de lire sur le sujet, qui constituait la deuxième alerte. Puisque la vie n’est pas semée de hasards. Je me pliai aux « rencontres » et verdict : Je n’étais pas prête, trop instable, de droite et pas de gauche –Quoi ? je n’avais jamais eu de sympathie socialiste ?, la figure de Médée et mes sujets de romans étaient ambigus et cruels, peut-être témoignant d'un esprit confus, et surtout, je me retrouvais au chômage. Je n’en suis pas restée là, parce que pour le coup, leur discours à eux ne cadraient pas avec les principes de neutralité et d'objectivité qui précèdent une cérémonie d’intronisation.
Je ne serai pas apprentie, certes, pour autant je dénoncerai. Ça a fait du remous, la Vénérable Maître m’a rappelée, tentant de trouver une explication. Il n’en avait aucune : Ils se trahissaient. Comment aurais-je pu moi-même accepter d’adhérer à une société qui prônait blanc et agissait noir ? J’allais ainsi économiser quelque 400 euros d’inscription au passage.
Cette loge était peut-être caricaturale. Je l’ignore, mon parcours se sera arrêté ainsi, reprenant mon équerre, mon compas, mon maillet et mon ciseau, mon fil à plomb, ma règle et la truelle maçonnique. De toute manière, je n'avais jamais supporté l'école et ses outils. Je n'étais pas grégaire. Cela constituait l'ultime alerte que je n'avais pas écoutée.
Franc-Maçonnerie
Néanmoins, je découvre la vertu de la Franc-Maçonnerie, grâce à cet ouvrage qui retrace l’histoire, les fondements, les rituels, les codes, les personnalités qui ont œuvré en maçonnerie, et fait avancer l’humanité, sans jugement, avec foi et dignité, portant un sens de l’engagement et de la loyauté sans concession.
Je suis "libre et de bonnes mœurs", je m’interroge et continue d’apprendre, je me "construis par rapport à autrui et au monde extérieur" (entre conflits et réconciliations). Je ne doute pas que ma double-culture m’ouvre davantage d’horizons, je choisis ma vie en essayant de garder un cap, je cherche d’où je viens et j’essaie de progresser, sans bifurquer, je ne mens pas (même si j’accommode fiction et réalité), j’ai plutôt choisi le bien au mal (même si l’Ankou et le passeur de L’Île des Morts m’attirent), je conserve ma "liberté de pensée et d'action". Je suis fière de Marianne et des emblèmes républicains en particulier parce que, petite fille d’immigrés, je suis de cette génération dont les grands-parents exilés ont « Fait la France » après avoir survécu au premier génocide du XXe siècle, comme beaucoup d’étrangers accueillis et intégrés.
Je ne serai probablement pas maçonne. Cependant tout ce que je viens de lire, ces 50 principes fondamentaux synthétisés par Laurent Kupferman, préfacés par Jacques Ravenne et postfacés par Pierre Mollier me réconcilient avec les richesses de la Franc-Maçonnerie et des honnêtes hommes qui la composent, en général. Ceux qui respectent le réel, l'idéal et l'éthique, le devoir que s'assigne la Franc-Maçonnerie.
Des noms ?
William Shaw, surveillant des maçons d'Ecosse, à qui l'on doit la règlementation de la profession de maçon "opératique", James Anderson, pasteur écossais, premier à rédiger une histoire de la société occulte ; Giacomo Casanova, qui vécut la maçonnerie en homme libre ; Honoré-Gabriel Riqueti, comte de Mirabeau, révolutionnaire français, pose les fondements de la Franc-Maçonnerie libérale, Johann Wolfgang Von Goethe, ouvertement engagé en Franc-Maçonnerie, dont "Les Souffrances du jeune Werther" sont un bijou de romantisme ; Rudyard Kipling -farouche humaniste, Jules Romain ou Karl Von Eckartshausen, associés au courant de la Kabbale ; Thomas Mann qui fait dialoguer des maçons dans "La Montagne Magique" ; Alexandre Dumas, Léon Tolstoï. Gérard de Nerval.
Des femmes aussi. Elisabeth Aldworth, première femme initiée, en Irlande (1711), Joséphine de Beauharnais, Impératrice des Français et Grande Maîtresse de la loge Sainte-Caroline, Marie-Thérèse-Louise de Savoie-Carignan, princesse de Lamballe. Maria Deraisme, voltairienne, grande oratrice, qui s'empare -parmi les premières- à l'émancipation des femmes, y compris en maçonnerie.
Si l'on ne devait retenir qu'un visage, ce serait sans équivoque celui de Marianne, qui incarne le plus beau des préceptes : celui d'égalité, incarné par la Déclaration universelle des droits de l'homme (1789).
3 minutes pour comprendre les 50 principes fondamentaux de la Franc-Maçonnerie, de Laurent Kupferman. Editions Le Courrier du Livre – Trédaniel, 152 pages illustrées, 18 euros.