L’exposition qui célèbre Charles Gleyre (1806-1874) au musée d’Orsay, en partenariat avec le musée cantonal des Beaux-Arts de Lausanne, est inédite. En France, le peintre suisse n’a fait l’objet d’aucune considération particulière. Pourtant sa peinture se révèle sans frontière, pont éloquent entre Orient et Occident. A la fois chronologique et thématique, elle retrace les confessions d’un artiste de son siècle, romantique et tourmenté, assez peu orthodoxe. Reconnu sur le tard, à l’âge de 37 ans avec son chef d’œuvre : « Les Illusions Perdues », auquel La Poste consacre un timbre, il y a pourtant un avant « Le Soir » sur les terres d’un Empire ottoman qui se modernise, et un après à Paris, illuminé par la Grèce antique.
Bouleversé par ses voyages, Charles Gleyre commence par traduire ses impressions, en vain. Il entend se démarquer des peintres académiques et des « clichés » sur l’Orient. Khartoum, plaque tournante de l’esclavagisme, et ce qu’il constate du commerce de l’ivoire, lui laissent des impressions cauchemardesques. Dans le même temps, la beauté des temples démesurés et des paysages désertiques l’époustoufle. Malgré la virtuosité de ses dessins, Charles Gleyre demeure dans l’ombre, il cherche sa voie. Ses paysages pittoresques italiens sont remplis de cruauté (« Les Brigands Romains ») et sa peinture se soumet aux conventions des galeristes. Ce n’est qu’à Paris, et une fois son talent établi, que ses hallucinations poétiques pourront libérer une peinture exaltée, prenant appui sur la religion (« Le Déluge »), la liturgie et les rites, par le prisme des femmes (« La Danse des Bacchantes »), et la beauté de scènes bibliques et mythologiques (« Le retour de l’enfant prodigue »). Il peint une Grèce antique dionysiaque, qui lui permet enfin de retrouver cet Orient riche de sens.
Charles Gleyre, le romantique repenti, jusqu’au 11 septembre, musée d’Orsay : www.musee-orsay.fr ; Le timbre « Les Illusions Perdues » imprimé en taille-douce, est disponible sur www.laposte.fr/boutique
Chronique à retrouver dans Service Littéraire
Scénographie : Charles Gleyre, le romantique repenti au musée d'Orsay (c) Sophie Boegly