Le Collège des Bernardins est davantage qu’un monastère cistercien : véritable espace de réflexion qui invite à croiser les regards et les disciplines (sciences, religion, arts, culture). Lieu d’éveil, de compréhension et de partage, dont l’ambition est de bâtir un monde humaniste. Institut de formation du diocèse de Paris, établissement de recherche autour de problématiques contemporaines (la Chaire 2017 porte sur les enjeux du numérique), conférences, le Collège des Bernardins propose aussi une programmation culturelle transdisciplinaire et éclectique, source d’enrichissement, de confrontations et de découvertes. Le fil conducteur de l’année 2016 se résume en deux mots forts : liberté et audace. Pour conduire ce dialogue alliant modernité et tradition, une nouvelle génération d’artistes a été repérée, comme le pianiste français d’origine libano-mexicain Simon Ghraichy ou les chanteuses lyriques ébouriffantes : les D.I.V.A
Ces artistes ont rejoint l’enseigne jaune-or Deutsche Grammophon et le label Universal Music. La promesse de la marque est de s’engager auprès de talents émergents, en respectant les valeurs de la marque : tradition, excellence, innovation. Simon Ghraichy en est une illustration magistrale. Virtuose, le jeune pianiste est aussi humble, simple et drôle. Il vient de signer avec la prestigieuse maison et sortira un premier album le 4 mars 2017 lors d’un concert au Théâtre des Champs-Elysées : « Jusqu’à présent, Universal Music rimait davantage avec Jurassik Park et les jeux vidéos qu’avec Deutsche Grammophon. Pour moi, Deutsche Grammophon, c’était de la science fiction ! Depuis que j’ai signé, je me répète chaque soir : Putain, Simon ! Jurassik Park, t’aurais pu mieux faire ?! ». Un jeune artiste de son époque, flamboyant et connecté –à tous points de vue, avec son piano, avec son public, avec ses amis réels ou virtuels. Quant aux D.I.V.A, elles allient originalité et opéra classique, des voix éblouissantes et une mise en espace sophistiquée.
Simon Ghraichy et les D.I.V.A (diva.company)
Simon Ghraichy a 30 ans. Il a étudié le piano dans les classes de Michel Béroff et Daria Hovora au Conservatoire National Supérieur de Musique de Paris, et celle de Tuija Akkila à l’Académie Sibelius de Helsinki. Depuis une petite dizaine d’années, il se produit un peu partout à travers le monde, invité dans des festivals de renom. En juin, il a signé un contrat d’exclusivité avec Universal Music et après le TCE de Paris, qui lancera officiellement son premier album, il se produira au Carnegie Hall de New-York et à la Philharmonie de Berlin. Pas de temps à perdre ! Soutenu par les assurances AXA, les Caisses d’Epargne et Luc Walter Foundation, il est particulièrement réputé pour ses interprétations éclatantes de Liszt.
Simon Ghraichy ? Un corps longiligne qui s’étire jusqu’au ciel, des mains tentaculaires et fines, chaque doigt évoluant indépendamment, un charisme dingue, un sourire charmant, une aura lumineuse, des boucles noires indociles et rebelles, un œil pétillant, un tempérament impétueux et fougueux. Une tornade. L’incarnation du romantique, bien dans son époque, bien dans son art, à sa place. On est loin du romantique torturé et du poète écorché. Simon Ghraichy, ce serait plutôt l’archétype de l’exalté réaliste. Antinomique ? Pas tant que cela : il réconcilie ce qui s’oppose. Il porte un costume cintré-ajusté caramel, des mocassins en daim noir, nu-pieds. Il débarque des coulisses comme ça, d’un seul coup il est là. Il esquisse une inclination gracieuse et agile, il regarde chacun d’entre nous, n’exclue personne : il englobe, charmeur. Il s’installe au piano et, sans qu’on ait le temps de souffler, il fait corps avec son Steinway. Passionné et fulgurant. Une interprétation personnelle et moderne, où chaque note résonne et créée de la valeur, un sens des nuances incomparable : parfois son annulaire repose sur la touche comme s’il s’agissait d’une plume avant de laisser place à une main arachnéenne enflammée, une emphase mesurée. C’est cela la relève musicale de la scène française et de l’écurie Deutsche Grammophon : une personnalité remarquable, une aisance revendiquée. Son programme n’est pas moins inattendu : Liszt, donc. Ernesto Lecuona, Franz Schubert, Enrique Granados, Camargo Guarnieri, Arturo Marquez. Pur et radieux, il ne trahit rien des intentions des compositeurs même s’il y apporte sa vision personnelle, un phrasé limpide, une intensité différente, sa propre amplitude. Après la salve d’applaudissements, il revient, visiblement heureux, reprend la Danzon n°2 de Marquez, se lève et nous raconte. Sa fierté et son orgueil d’avoir signé chez Deutsche Grammophon : « C’est rassurant, ça apporte sûreté et confort », il remercie : « vous tous, public, pour votre accueil chaleureux, votre présence ». Il est sûr de lui, fort aise, généreux et aimable. Sans doute parce qu’il est libre de s’exprimer. Nous, on a vibré, emportés et conquis.
Les D.I.V.A ont poursuivi dans cette dynamique originale, marque du « club Deutsche Grammophon ». Cinq chanteuses lyriques (mezzo, soprano), accompagnées qu’un quatuor à cordes : l’Opéra revisité non sans humour et fantaisie, dans le respect des histoires connues et transmises depuis des siècles. Jazmin Black Grollemund, Grace Carter, Flore Philis, Marie Menand, Audrey Kessedjian : savoureux mélange Orient-Occident ! Une noire-américaine, une anglaise, une française, une arménienne et le dialogue des cultures devient plus inventif. « Depuis longtemps, nous étions à la recherche d’un projet d’envergure pour unir nos compétences. En pratiquant notre métier, il nous est apparu indispensable pour ce projet de lier l’art lyrique au théâtre, le monde de la musique classique au divertissement, l’ancien au moderne afin de toucher la sensibilité de chacun », précisent-elles. Pari réussi, Mesdames. Drôlement réussi, même. Elles raccourcissent 6 opéras (Don Giovanni, Tosca, Carmen, La Traviata, Les Contes d’Hoffmann, Die Zauberflöte), qui durent désormais 10 minutes, les héros et héroïnes se font écho, chacune à son tour est mise en lumière, elles incarnent les gentils et les méchants alternativement, les hommes ou les femmes, en allemand, en italien ou en français. Perruquées, maquillées et costumées avec extravagance, elles proposent un spectacle rempli de toupet et de faste. Manon Savary a mis en scène les glorieuses divas : un patronyme qui rime avec panache, folie et allégresse, à la taille des plumets qui recouvrent les têtes. C’est coloré et empourpré : rose-poupée, rouge-et-noir-électrique, bleu-paillette, noir-démoniaque, roux-ardent. C’est superlatif, comme ces déclamations opératiques répétées avec Hélène Blanic, leur chef de chant. L’amour est au rendez-vous, la trahison, la vengeance et, à la fin, la justice triomphe. On frémit, on rit, on hésite, c’est décalé et soigné. Cinq filles complémentaires et indépendantes, comme les cinq doigts de la main qui fuguent sur un piano.
Surprenant Collège des Bernardins ! L’irrévérence et l’intrépidité de l’esprit des moines, au service de créations héroïques.