« Denis Roche : Aller et Retour dans la chambre blanche »
Le centre d’art, créé en 2006 est une émanation de la Fondation Nationale des Arts Graphiques et Plastiques (FNAGP), qui dépend de la Maison d’Art Bernard Anthonioz. Dirigé par Caroline Cournède, le centre s’intéresse aux arts graphiques, à la vidéo, à la photographie en partenariat avec le Musée du Jeu de Paume. Si le centre a d’abord exposé des collections privées, il s’ouvre désormais aux photographes en milieu de carrière. Denis Roche s’inscrit dans cette dynamique, même si l’artiste est décédé en 2015... en milieu de carrière.
Denis Roche n’était pas que photographe : à l’instar de Bernard Anthonioz, il était aussi éditeur (au Seuil) et écrivain. Sa double approche écrit-image se retrouve dans chacun des clichés disposés.
Montée des circonstances, rapport au temps et destin
Il questionne le mouvement en premier lieu. Les allers retours, les saisons, la photographie et l’écrit. Il éprouve des parallèles. Un regard qui se trouve en permanence à jouer avec les reflets (miroirs, vitres, endroit/envers) et analogies, que ce soit de manière consciente ou non. Un œil qui rappelle le cinéma de Robert Bresson, en noir et blanc. Son cadrage à travers les portes-vitrées pour exprimer une idée, le sens de l’histoire, révéler les personnages (« Les Dames du Bois de Boulogne »). D’ailleurs, comme Bresson, Denis Roche s’approprie les légendes, les chants funéraires, les ombres, les traversées du miroir. Un univers mythique et mystique se retrouve dans ses clichés. Que ce soit en France (Belle-île, Lesneven, Saint-Tropez, Orléans, Saint-Malo), au Maroc, au Portugal, en Egypte, en Inde, en Irlande, à Trinidad, en Italie (comment ne pas penser à « Voyage en Italie » de Roberto Rossellini : cette errance d’un couple filmée à travers le pare-brise d’une voiture). Denis Roche se met lui-même en scène, ainsi que son épouse, que l’on retrouve à chaque moment de leurs voyages, de leur vie, d’un quotidien saisi sur le vif et à retardement. Clichés d’un photographe-voyageur-amoureux, infatigable passionné.
L’autre caractéristique de Denis Roche, c’est son idée de déclencheur à retardement qui traduit ses apparitions et disparitions, celles de son épouse, les évolutions géographiques aussi. Il a filmé sa femme dans un même lieu (un cimetière) à plusieurs années d’écart. Quatre clichés. Elle, reprenant la même pose. L’on remarque moins cette femme (les années semblent la frôler), que les tombes qui repoussent le vide et se modernisent. L’œil du détail et du temps qui passe.
Denis Roche représente une certaine idée de la photographie en liberté. L’angle de prise de vue importe peu, il relève d’une démarche expérimentale. En vérité, l'artiste n’a cessé de réfléchir à l’acte de photographier. Ce qui déterminait l'impulsion était le climax, comme au cinéma, cette montée obsessionnelle jusqu’à la prise de vue. Sa fameuse « montée des circonstances ». La photographie en soi n’a que peu de sens, moins en tout cas que l’urgence et la nécessité de saisir un instant, un paysage, un geste, les lieux de vie. Il photographie avec fureur: la même qui le saisit lorsqu’il écrit, sur une machine à écrire. Le déclencheur photographique équivaut au cliquetis du clavier. Beaucoup d’intérieurs extérieurs depuis la chambre blanche, qui fait écho à l’intimité de la chambre claire de Roland Barthes et, définitivement, un évident parallèle avec le 7ème art. D'ailleurs l'un de ses clichés emblématiques est une collaboration avec son fils Simon qui était chef opérateur pour le cinéma (2007).
Enfin, il est étonnant de constater à quel point ses photos restituent son existence et se font écho des années après, comme une quête permanente vers soi, à travers laquelle le hasard et les coïncidences n’existent assurément pas.
« Denis Roche : Aller et Retour dans la chambre blanche » à la Maison d’Art Bernard Anthonioz, Nogent-sur-Marne, jusqu’au 29 janvier 2017.
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