Trois semaines encore pour (re)découvrir l’élégant et cultivé Oscar Wilde, davantage connu pour son esprit acéré, ses maximes aiguisées et sa réputation sulfureuse. L’exposition présente Oscar Wilde dans son ensemble : écrivain stylé, francophile, artiste complet à l’entregent aisé. Intellectuel raffiné, il maîtrisait toutes les formes d’écritures. Epoux tout entier dévolu à sa famille, qui le soutiendra dans les pires tourments que lui vaudront son rapport à l’homosexualité. Impertinent absolu ? Oui mais pas que. Oscar Wilde ne se résume pas à quelques bons mots et une mise distinguée. Il était bien plus flamboyant, à tant d’égards. Son sens de la provocation l’aura-t-il desservi ? « Une bonne réputation ? c’est une des nombreuses contrariétés à laquelle je n’ai jamais été soumis ». Un sens aigu de la démesure, indocile et rebelle, Wilde poursuit : « La modération est une chose fatale, rien ne réussit mieux que les excès ». Sauf que : la fin est avilissante, misérable et partiale. L’avait-il toujours deviné : « On ne doit jamais faire ses débuts par un scandale, il faut réserver cela pour l’intérêt de ses vieux jours ».
L'exposition
Une exposition chronologique composée de pièces inédites, au milieu d’œuvres notoires. Une première salle thématique permet de découvrir Wilde chroniqueur d’art. Des tableaux commentés ont été retrouvés par des biais improbables ou d’autres circuits moins confidentiels, notamment via Christie’s. Où étaient conservés ces tableaux ? Mystère et, en vérité, qu’importe : aujourd’hui ils sont présentés au public, avec les arguments d’un critique féru de peinture, d’esquisses et de dessins. Puis la salle de la conquête américaine : Wilde en conférences, l’esthète au travail. Londres ensuite : nous sommes en 1883. Wilde y demeure jusqu’en 1889. On y découvre des lettres manuscrites jamais exposées auparavant, une correspondance avec des écrivains français notamment Mallarmé. Divers tableaux le représentent, dont le plus célèbre figurant Wilde en dandy. Puis Wilde et Constance. Les années de création artistique s’ensuivent, centrées autour de ses deux écrits majeurs : « Le portrait de Dorian Gray » et « L’importance d’être constant », entre 1891 et 1895. Le temps romanesque et théâtral. De petites alvéoles permettent d’écouter des lectures de son œuvre, par Rupert Everett. 1893-1896 : la salle Salomé, princesse juive, figure de la femme-fatale-fin-de-siècle. Le texte de la pièce éponyme, écrite par Wilde et inspirée des lectures de Flaubert et Hyusmans, corrigée par Pierre Louÿs à qui elle est dédiée, sera censuré. Salomé trouve ici toutes les déclinaisons qui lui ont été réservées : portraits de Beardsley et de Gustave Moreau, projection au sol du film « Wilde Salomé » de et avec Al Pacino. La suite étourdit. Procès, prison, exil. Le 18 février 1895, le père d’Alfred Douglas, lord Queensberry, dépose au club que fréquente Wilde, une carte de visite injurieuse. C’est l’engrenage : témoignages à charge et accusations d’immoralité. Oscar Wilde est accusé « d’actes obscènes » et condamné pour homosexualité à deux ans de travaux forcés, le 25 mai 1895. Emprisonné à Londres, il est libéré le 19 mai et quitte l’Angleterre pour la France. Il n’aura pas supporté l’opprobre et la dureté du milieu carcéral. Il meurt le 30 novembre 1900 d’une méningite. Wilde avait perdu toute prestance et son esprit n’avait pas davantage résisté au matricule C33, ni même aux secours d’amis comme Gide. L’exposition s’achève avec « De profundis » et « La Ballade de la geôle » de Reading. La poésie lui offrira ses derniers mots, dénonçant les conditions effroyables des codétenus. Sa tombe, au cimetière du http://isabelle.kevorkian.over-blog.comhttp://isabelle.kevorkian.over-blog.com est édifiée par Jacob Epstein, en forme de sphinx.
Deux films clôturent cette exposition qui commence dans l’impertinence et s’achève dans l’injustice. Une interview de Merlin Holland, petit-fils d’Oscar Wilde, qui rappelle le désespoir éprouvé par Constance au point de mettre leurs enfants en sécurité en Suisse et de changer leur patronyme, le salut que la famille doit à la France -terre d’asile, la fierté de découvrir cette exposition complète, qui honore Oscar Wilde pour la première fois. Un documentaire donne la parole à Robert Badinter : « L’exposition rend hommage au grand écrivain et homme de théâtre qu’était Oscar Wilde, personnage barillant de la scène littéraire fin XIXe siècle. (…). Ses amitiés avec Louÿs et Gide. (…). Sa lourde condamnation pour homosexualité -entre adultes consentants ! L’exemple le plus édifiant d’une injustice judiciaire ». Wilde n’est plus l’impertinent absolu, il est devenu le paria. Badinter explique le système judiciaire relatif de la société victorienne de l’époque, le phénomène d’autodestruction que la condamnation inique va produire : « Il faut qu’il arrive quelque chose » et la conséquence irrémédiable : le suicide judiciaire.
D’Oscar Wilde jusqu’alors, on retenait plus facilement le décadent, mais derrière l’apparente frivolité la vérité était tout autre : un père de deux enfants et un artiste sophistiqué à l’écriture savoureuse et savante. Cette exposition mérite de comprendre qui était Oscar Wilde, dont le travail est indémodable : un chroniqueur d’arts, un conteur, un créateur d’aphorismes et épigrammes, un romancier, un auteur de théâtre. Un homme au goût prononcé pour la beauté formelle, à l’éducation et la pensée philosophique remarquables.
Oscar Wilde, l’impertinent absolu. Jusqu’au 15 janvier : www.petitpalais.paris.fr www.parismusees.paris.fr (pensez à la carte Paris Musées)
Notons que le 1er MOOC en langue française consacré à Oscar Wilde est en ligne sur la plateforme internationale edX : une initiative Sorbonne Universités et une réalisation Paris-Sorbonne. Pascal Aquien, professeur de littérature anglaise, spécialiste d'Oscar Wilde est à l'origine de ce MOOC exigeant, à la rencontre d'un auteur original : https://vimeo.com/