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La Légion d’honneur

Légion d'honneur : RHKC’est à La Malmaison, que fut évoqué pour la première fois la question des ordres, en 1802. Le Premier consul, Napoléon Bonaparte, insistant lors d’un dîner dans cette ville désormais marque Impériale, sur l’importance d’intégrer civils et militaires au sein d’une même distinction : la Légion d’honneur. Le nom est emprunté à la Rome antique pour cette institution, nouvelle société au service de la Nation, placée sous l’autorité du chef de l’Etat. Proclamé empereur, Napoléon fixe par décret impérial du 22 messidor an XII (11 juillet 1804), la forme de la décoration à laquelle plusieurs artistes contribuent : Jean-Baptiste Chaillot de Prusse, Dominique-Vivant Denon, Jean-Baptiste Isabey. L’étoile allie tradition et modernité. Proche de l’insigne de Saint-Louis, elle s’inscrit, grâce à sa cinquième branche, dans une symbolique contemporaine. Le profil de l’empereur et l’aigle y figurent. L’inauguration de la Légion d’honneur par l’Empereur se déroule le 26 messidor an XII (15 juillet 1804), à Saint-Louis des Invalides. A l’origine, l’étoile de la Légion d’honneur (« aigle ») est portée à la boutonnière de l’habit. Napoléon créé le 10 pluviôse an XIII (30 janvier 1805) la grande décoration, réservée à un nombre limité de grands officiers, consistant en un ruban rouge auquel était appendue la grande étoile. Sous le Premier Empire, la Restauration, la Monarchie de Juillet, la IIè République et la Présidence, les insignes évoluent jusqu’au Second Empire : la Légion d’honneur s’ouvre plus largement, notamment aux artistes, aux artisans, aux œuvres sociales, à l’industrie.

Six femmes sont décorées sous Napoléon III, quatre religieuses et deux laïques dont Rosa Bonheur –qui deviendra première femme-officier. Sous la troisième République, une centaine de femmes sont nommées. Anne de Noailles est la première à être promue commandeur, Colette est élevée à la dignité de grand-officier comme la maréchale Lyautey en 1953. Geneviève de Gaulle-Anthonioz, résistante, est déportée à Ravensbrück. Elle survit et, en 1958, visitant le bidonville de Noisy-le-Grand, elle s’engage dans le mouvement Aide à Toute Détresse dont elle assure bientôt la présidence. Elle est à l’origine de la première loi sur la pauvreté, votée en 1998, et la première femme grand-croix de la Légion d’honneur en 1997.

Légion d’honneur : « Au nom de la République »

Le mardi 27 septembre 2016, l’historien Raymond Haroutioun Kévorkian a été décoré de la Légion d’honneur par Ara Deyirmendjian, sur proposition du ministère de l’Education nationale, pour son travail exemplaire et tout entier dévolu à l’histoire des Arméniens. En présence d’officiels et d’amis, de sa famille, la cérémonie, organisée à l’Ugab France, a été introduite par l’épouse de Raymond H. Kévorkian : Elisabeth. « Chère famille, Chers amis, c’est avec honneur et plaisir que nous allons ensemble assister à cette cérémonie mais avant, je tenais à vous remercier (…). Vous avez, tous et chacun à votre façon contribué (…) à ce que Raymond Haroutioun soit récompensé. (…) Ici, à l’Ugab. Ce n’est pas une salle banale : c’est le lieu de culture, d’éducation et de rassemblement de la communauté arménienne à Paris. (…) Ce soir, j’exprime ma fierté ».

 

L’allocution d’Ara Deyirmendjian

Ara DeyirmendjianAra Deyirmendjian a prononcé l’allocution officielle « RHK a consacré sa vie à l’histoire des Arméniens. RHK, littéralement signifie : Raymond résurrection fils de Georges, peut se traduire par la foi de ce peuple arménien, à travers un patronyme, Kévorkian, qui symbolise tous ces rescapés que RHK a ressuscités. » Ara Deyirmendjian a passé en revue la carrière, la vie et l’œuvre de RHK, depuis sa naissance à Marseille, quartier de Saint-Loup, l’école qu’il quitte à l’âge de 15 ans pour devenir apprenti en typographie, obtenant un CAP à l’âge de 16 ans, devenant cadre à 23 ans après un parcours à l’Ecole Estienne et décidant en 1976 de passer de la fabrication du livre à son écriture. Il reprend des études, obtient des équivalences, une thèse à la Sorbonne, nommé chargé de recherches à la BNF et responsable du département Arménien, qu’il créé, chargé de cours à l’Inalco pendant 14 ans, conservateur de la Bibliothèque Nubar. Ensuite, c’est la somme d’ouvrages que l’on connaît : le catalogue des incunables, Tapis et Textiles Arméniens, les Arméniens à la veille du Génocide. RHK est aussi, et cela est moins connu parce que l’homme est humble, scénariste, commissaire d’expositions à l’étranger et en France, notamment avec Paris Musées ou la Mairie de Paris à l’occasion du centenaire du génocide des Arméniens.

A partir de 1991, ses collaborations avec Claude Mutafian et Yves Ternon lui permettent d’écrire des ouvrages exhaustifs sur l’histoire des Arméniens et du génocide, et de mettre ce travail à la disposition du grand public.

Avec Claude MutafianSes ouvrages sont aujourd’hui traduits en arménien, turc, arabe, russe et son souci de transmission s’internationalise. Avec son frère, qui dirige le fonds des Arméniens de France, il est engagé dans une démarche humanitaire de-par le monde. Juillet 2015 voit par exemple la naissance d’un musée des Orphelins Arméniens à Byblos. « RHK est le seul à avoir étudié le génocide sous toutes ses facettes, le détail des projets, les camps de réfugiés, il a croisé ses sources. L’histoire des Arméniens et du génocide sont devenus à la fois un sujet de recherches universelles et personnelles et, l’histoire l’a emportée sur la douleur intime. (…) RHK a conduit sa carrière avec succès grâce à un travail acharné, une générosité non feinte et au soutien sans faille de sa famille ». Ara Deyirmendjian lui a ensuite remis la décoration, qui vient compléter une série de distinctions qui honorent « un battant imaginatif, un homme de cœur, et une certaine idée de la constance » : prix Charles Aznavour, Chevalier des Arts et des Lettres, prix du Président de la République d’Arménie parmi les plus prestigieuses. « RHK fait désormais partie des élites Arméniennes, cette Légion d’honneur souligne son dévouement pour le groupe et la collectivité ».

Extraits du discours de Raymond H. Kévorkian

A la fois ému et à l’aise, fier, Raymond H. Kévorkian a prononcé à son tour un discours enlevé et riche de sens : « Tout Arménien est un peu historien et porteur d’une vérité intangible qui fait parfois sourire. Il faut donc accepter cette concurrence redoutable et argumenter pour casser des mythes qui nuisent à l’examen objectif des faits, bouchent les perspectives d’avenir. L’identité arménienne, c’est d’abord le contact quotidien avec les parents et grands-parents, le respect de l’appartenance à un groupe. Je ne me suis jamais posé la question (…) je savais que je portais cet héritage (…), fruit de populations rurales que rien ne prédisposait à vivre en mode urbain, de surcroît en terre de France. J’ai cependant longuement hésité. (…) J’ai finalement décidé de lutter contre l’oubli et l’injustice, moteur d’un projet de vie qui se transforme de manière consciente ou inconsciente, avec le temps, en un défi intellectuel. (…) Je me suis appuyé sur les travaux de mes prédécesseurs notamment américains, peu enclins à transmettre. Ma révolte intellectuelle a pris corps dans ce contexte : arrogance et mépris ont été des aiguillons féconds. J’avoue qu’il m’a été agréable d’observer les effets de mon propre travail, lorsque mes ouvrages ont commencé à être traduits. C’était une invitation à partager et à comprendre un phénomène à la fois complexe et radical : ma thérapie, par la compréhension. (…) Parmi les aspects structurants de ma vie, il y a le vélo et, en bon épicurien, je ne m’enferme jamais dans une bulle intellectuelle, déconnecté du monde, mais je vis pleinement, en famille, entre amis. (…) Il y a ces voyages initiatiques aussi, en Turquie, avec mon frère, à l’origine de la création de notre association Terre et Culture par exemple, ou la naissance du Fonds Arménien de France. (…) Ma famille, mon épouse Elisabeth a accepté cette vie, elle en a accepté ses contraintes et a partagé ses succès. Ce que je retiens, c’est l’extraordinaire solidité de ma cellule familiale dans ce projet de vie ».

 

Azad Magazine n°156, dernier trimestre 2016

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