Un port, lieu de fantasmes. Le marin, son pompon rouge, sa marinière et son uniforme impeccable : obsessionnel à en devenir chimérique. Des images et qualificatifs trop réducteurs en vérité. Le Musée de la Marine a retrouvé des clichés inédits qui dévoilent l’âme d’une ville portuaire, et pas des moindres : Toulon. Sous une lumière douce presque inexistante, dans un souci de protection des photographies exposées, trois espaces racontent l’évolution du paysage portuaire de la cité depuis l’invention de la photo.
Le premier daguerréotype de Charles Choiselat, représente la rade de Toulon à travers cinq clichés en mode panorama. Nous sommes en 1845. Sépia sur Toulon qui pour introduire une première salle consacrée à l’arrivée de la photographie, à travers des parisiens de passage, qui fixent le port et l’arsenal légendaire, la marine omniprésente dans la ville. Puis les premières prises de vue militaires apparaissent. La « collection lyonnaise », la « collection toulonnaise », les archives presse et celles de la Société des Amis du Vieux Toulon offrent une vision exhaustive et emblématique du port et sa marine –au service de la défense du pays.
Documents historiques, témoignages rares
Cette image jaunie de l’îlot du bagne de Toulon, la tour carrée, l’observatoire du Mourillon ou d’autres inédits comme la construction des bassins Vauban qui accueilleront les plus grosses unités marines du monde. Vauban qui dira de Toulon qu’il s’agit de « la plus belle rade d’Europe ». Photos de commandes également : on pénètre au cœur de l’arsenal, darse neuve, darse vieille. Privilège. Sans transition : photos vernaculaires, plus intimes et familiales, cœur et poumon de ville. Un film est dédié à la porte monumentale de l’arsenal, de la marine impériale (1870) déplacée en 1976. D’aucuns se demandent ce qu’elle est devenue ? L’entrée imposante du musée ! Aux côtés des photographies, les cartes postales valorisent ce patrimoine. Courtes missives qui rappellent une époque plus sombre : les guerres et bombardements, les poudrières et explosions (Iéna, Liberté), les sabordages, le travail réalisé à l’arsenal pour l’armée, femmes et hommes qui ne ménagent pas leurs efforts, à égalité.
Une escale à Toulon s’impose, pour reprendre son souffle. Dans les rues sombres du vieux Chicago. C’est la période des trente glorieuses. La vie légère, les bars enfumés entrent dans la légende. Enfin, un panorama contemporain clôt cet univers « top confidentiel défense », à dominante masculine. Pourtant, ce sont deux femmes : Jacqueline Salmon et Caroline Lamotte qui ont été choisies pour témoigner de cette modernité. Nouvelles perspectives, manière singulière de regarder la ville portuaire, en particulier depuis les hauteurs, celles du Mont Faron, angles soucieux du détail.
Un homme photographe assure la transition :
un arménien réfugié à Bandol, Aris Tavitian.
Il immortalisera la reconstruction du port et les immeubles qui s’élèvent, cette architecture « Le Corbusier » qui suscitera de nombreuses polémiques. Il sillonnera le Var et la Côte d’Azur sans répit pour fixer sa région d’adoption après le génocide. On a beau habiter Toulon depuis des années, cette exposition en offre une vision insoupçonnée, qui rend fier d’être français.
Exposition : Place Monsenergue, jusqu’au 29 mai 2017. www.musee-marine.fr
A relire dans Azad magazine n°156, dernier trimestre 2016