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Louis Caradec, après 25 ans passés à administrer la commune de Plougonvelin est devenu auteur. Ni romans, ni essais, ni récits. Il a opté pour une œuvre patrimoniale et mémorielle, en images. Cartes postales, courriers, photographies, iconographies d’époque. A travers ses ouvrages de belle facture et richement documentés, il s’adresse d’abord aux finistériens de ce bout du monde si singulier. Et, par extension, aux bretons, aux parisiens en villégiature, aux paysans, aux agriculteurs, aux artisans, aux industriels, aux sportifs, aux pèlerins, aux citadins, aux îliens et finalement à tout le monde. Comme une pelote de laine qu’il suffisait de dévider : il a tiré le fil de ses souvenirs jusqu'à former une mémoire universelle. La  collection compte aujourd’hui 12 livres : Le Conquet, les tracteurs anciens d’Iroise, le pays d’Iroise, Plouarzel, la base et le bagad de lann Bihoué en référence à sa formation navale. Entre autres. Le prochain et « dernier », précise-t-il mais je fiche mon billet qu’il poursuivra, est consacré à La Pointe Saint Mathieu. Site emblématique s’il en est, pour son phare, son sémaphore, son cénotaphe, le monument aux marins morts pour la France qui surplombe la mer d’Iroise et, au-dessous, cet musée cryptique qui rend hommage à tous ces hommes que la mer a conquis ; les légendes, l’abbaye en ruines qui demeure si vivante… Tant d’autres mystères que Louis Caradec a pu cerner en enquêtant, en discutant, en recueillant témoignages et documents inédits. Récemment, les alentours ont accueilli, sur le terrain militaire qui relie Plougonvelin à cette pointe extrême-occidentale, le musée des mémoires 39-45, immersif et unique en son genre, aménagé dans un ancien blockhaus autrefois habité par les hommes du mur de l’Atlantique. Autant dire que ces terres finistériennes n’ont pas fini de parler, pour qui souhaite écouter ce que le vent y souffle.

L’été est une période propice pour entendre l’écho de ces vestiges, trésors et autres murmures qui remontent à la surface au gré des marées. Pour commencer : Bertheaume et Plougonvelin, dont Louis Caradec a été l’artisan de la plupart des avancées et surtout, de la sauvegarde et mise en valeur du patrimoine.

 

 

Bertheaume, sentinelle de la rade de Brest. Fortification stratégique qui contrôlait l’accès à la rade de Brest. Cet îlot englobe le goulet de Brest, les tas de pois, jusqu’à Saint Mathieu. Une portée pas neutre. Le fameux goulet dont Vauban disait qu’il « est à Brest ce que les Dardanelles sont à Constantinople ». Un fort qui a toujours été l’objet d’occupations, dès le Moyen-âge et, comme le précise Louis Caradec « peut-être même dès l’Empire romain ». Un îlot peu bavard dont on sait cependant qu’un saint britannique lui donne son nom, qu’il fut détruit et reconstruit, attaqué par les Anglais, occupé par les Allemands avant de devenir une base du mur de l’Atlantique. Il ne s’est pas fait que des alliés. Puis, il est resté abandonné, en temps de paix, jusqu’à ce que Louis Caradec le rachète au ministère de la Défense. Aujourd’hui, ses accès fortifiés, le fort est devenu un site touristique, un théâtre de verdure, un lieu de concert, un site d’aventures, un musée de sous-marins, un endroit de festivals, diurne et nocturne. Louis Caradec remonte son histoire extraordinaire jusqu’à 7.000 ans en arrière : premières empreintes, restes d’un atelier de silex, stèle gauloise, munitions de guerres. C’est alors, la grève de Perzel, où l’on pêchait le mulet. Forces précisions, détails, plans et photos sépia ou en couleurs révèlent cette sentinelle historique, son projet de restauration et sa réhabilitation auprès d’un public de plus en plus fervent. L'auteur n’oublie aucune des associations qui permettent aujourd’hui d'approcher le rocher de Bertheaume par la mer, la terre ou les airs (une tyrolienne extraordinaire), ou par le biais de reconstitutions spectaculaires de combats navals.

 

Bertheaume, sentinelle de la rade de Brest. Louis Caradec. 20 euros.

 

 

Plougonvelin, que dire ? Un bourg qui est passé de 1600 à 3600 âmes en 25 ans. Une plage infinie, immaculée et familiale au nom éloquent : le Trez-Hir (sable long, fin). Une station balnéaire préservée. Le dessin du blason et des armoiries de la commune remontent à 1977. L’idée est à créditer au maire de l’époque, Lucien Corre qui sollicité Albert Villacroux, recteur de la paroisse. Un cheval marin ailé sortant des flots, une couronne murale à 5 pignons soutenus par des contreforts. Une crosse et une épée. Puissance et vie, dont le pouvoir s’étend de Bertheaume jusqu’aux ruines de La Pointe Saint Mathieu. Une devise : "Allez baptiser et enseigner jusqu’aux extrémités du monde". Nous y sommes : au bout du bout du monde occidental. Louis Caradec est formel « Les traces d’une présence humaine à Plougonvelin remontent à la Préhistoire ». Force est de constater les vestiges et autres fragments ici et là, comme cette fontaine de la clarté invoquée pour la guérison de la vue. Encore faut-il être un peu curieux, pétri de croyances et amateurs de fables aussi. Au plus loin de cette pointe finistérienne, parmi les plus ancrées, celle de Tanguy et de sa sœur Haude. Tragique : « Tanguy et Haude vivaient au château de Trémazan, à Landunvez, avec leur marâtre. Au retour d’une longue absence, Tanguy, ne voyant pas sa sœur Haude, se laissa abuser par sa marâtre : Haude est une fille perdue, elle a manqué à ses devoirs, dit-elle. Tanguy, croyant sa belle-mère, alla à la recherche de sa sœur et lui trancha la tête ». Ce n’était que médisances.

C’est Saint Convel qui serait à l’origine de la paroisse. Saint aux pouvoir miraculeux, auquel succèdera Saint Gwénaël, dont le culte se répand jusqu’en Irlande. Louis Caradec retrace tout : les maires, l’histoire du clergé et de ses presbytères, Saint Mathieu. La peine de mort par pendaison pour les criminels, aux deux gibets, les Anglais qui débarquent sur la plage des Blancs Sablons, les gardiens de phare, la réhabilitation de Saint Mathieu, site touristique d’où, désormais, les pèlerins de Compostelle ont leur borne 0 (1958 km) ! L’occupation et le quotidien d’alors. Les écoles, les unions, les fêtes, la vie à la campagne et la langueur aux abords de l'anse du Trez-Hir. Un coin de paradis qui n’en finit pas de surprendre. Un lieu poétique qui a su allier agriculture et modernisation, ruraux, citadins et touristes. Jusqu’à Ti Jean Kerouac qui aurait réalisé son satori à Penn ar bed. Les photos sont extraordinaires de vie, de lumière et de chaleur. Mais derrière les regards, que l’on n’oublie jamais le pouvoir romanesque et féérique qui s’y cache.

 

Plougonvelin, mémoire en images. Louis Caradec. 21 euros.

 

Romans disponibles auprès de Louis Caradec.

Tag(s) : #patrimoine, #culture, #mémoire, #Beaux Livres
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