L’institut du Monde Arabe accueille ce semestre l’exposition « Chrétiens d’Orient » et revisite 2000 ans d’histoire du christianisme, « une histoire plurielle » comme le précise Jack Lang, son président. Une exposition dédiée au christianisme oriental qui se prolongera à Tourcoing, dont le maire Gérald Darmanin, souligne « le dialogue et le respect » inhérents. L’exposition débute par deux fresques originales, provenant de l’Université de Yale, jamais encore exposées, représentant la guérison du paralytique et le Christ marchant sur les eaux (Syrie-232). L’on assiste à la naissance et au développement du christianisme en Orient (1er – Vie siècle), à travers cette forme d’évangélisation, premier témoignage iconographique chrétien. Parmi les autres pièces originales et marquantes, les manuscrits arméniens et le rideau de l’autel principal de la chapelle Saint-Thoros représentant saint Théodore Madras (Inde -1799). Des œuvres prêtées par le patriarcat arménien de Jérusalem qui rappellent que l’Arménie fut le premier royaume Chrétien. La religion est l’un des prismes majeurs de cette exposition admirable et les Évangiles de Cilicie (sud-est de la Turquie actuelle -1796) ou ceux dédicacés à la reine Mariun et à sa fille Copié par le prêtre Nerses, enluminés par Sarkis Pitzak Sis (1346) en constituent des preuves époustouflantes. À découvrir sur fond de chants liturgiques, dans le plus profond recueillement et une solennité expiatrice. Plus loin, l’une des plus anciennes inscriptions arméniennes, sur un pavement en mosaïque du Ve siècle, évoque le « souvenir de tous les Arméniens dont Dieu connaît le nom ». Jérusalem, au cœur du berceau de la chrétienté, en Terre sainte. Les textes des Évangiles paraphrasent saint Matthieu : « C’est moi qui efface les péchés », débarrassé de toute forme de possession égotiste et individualiste, libre de suivre le Seigneur. D’autres objets témoignent de la richesse et de l’apport du peuple arménien dans cet héritage chrétien, notamment les céramiques et les couleurs de Kütahya, qui « matérialisent la place cruciale du patriarcat au sein du monde arménien, dans l’Empire ottoman, dans le Proche et le Moyen-Orient mais aussi dans la diaspora en Occident » (Ionna Rapti). La littérature est un autre pilier constitutif du christianisme, comme les icônes et leurs dynasties de peintres, les églises et les croix, la langue et l’alphabet. Le travail des artisans et des commerçants également. Une maison de famille est entièrement reconstituée, avec ses objets du quotidien, ses meubles en marqueterie, ses tapisseries et soieries. Les chrétiens orientaux sont des passeurs d’histoire et de culture, entre Orient et Occident. Des passeurs éprouvés par les croisades et les pèlerinages, les massacres, les exils, les exodes. L’exposition se termine ici et maintenant, en Orient et en Occident avec un patrimoine en danger, dont la fragilité altère la transmission et le devoir de mémoire. Pour autant, le christianisme ne cesse de se renouveler.
Le directeur de l’Œuvre d’Orient, Mgr Pascal Gollnisch, partenaire de l’exposition explique : « Chrétiens d’Orient ? C’est 2000 ans d’histoire et de culture, c’est une composante du monde arabe y compris du point de vue liturgique. Cette exposition permet d’affirmer l’identité du monde arabe face à l’Empire Turc ottoman et son extraordinaire modernité. L’exposition dévoile les premières imprimeries, les poinçons, les premières églises. Le christianisme s’appréhende, ainsi exposé à l’Institut du Monde Arabe, en communion avec les autres religion. L’exposition invite l’ensemble des diasporas à garder le lien qui les unit avec leurs terres d’origines : la langue, l’alphabet, la culture, la religion, l’art culinaire, l’artisanat, des savoir-faire uniques et ancestraux. Les diasporas ont besoin de s’affirmer par rapport à la politique de leur pays d’accueil, lesquels ont besoin des diasporas et de leur soutien. »
La commissaire de l’exposition Virginia Cassola contextualise : « L’idée remonte à 2012, à l’initiative des parties prenantes : l’Institut du Monde Arabe et la réouverture du musée, le MuBA et l’Œuvre d’Orient. Elle s’est consolidée face à l’actualité. Un travail remarquable a été conduit avec les communautés chrétiennes du Liban et de Palestine, notamment s’agissant des objets exposés, notamment les manuscrits et le rideau arménien, l’artisanat. Mais aussi avec les musées de Jordanie et du Liban concernant les antiquités, les mosaïques et les fresques, la liturgie. Cette exposition vise à rendre hommage aux Chrétiens d’Orient, en tant que femmes et hommes : elle est axée sur l’humain. »
Chrétiens d’Orient, 2000 ans d’histoire. Institut du Monde Arabe, jusqu’au 14 janvier 2018, puis au musée des beaux-arts de Tourcoing du 22 février au 12 juin 2018. En partenariat avec l’Œuvre d’Orient. En coproduction avec la ville de Tourcoing et le MuBA.
Chrétiens d'Orient, 2000 ans d'histoire