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Une cinquième édition, déjà. Un pari fou qui rassemble de plus en plus d’auteurs et poètes francophones. Près de 300 ouvrages proposés pour cette édition, après une sélection rigoureuse par un jury d’écrivains, composé de Hervé Ayéméné, Secrétaire Général de l’Association des Écrivains de Côte d’Ivoire (AECI) et Wilfried N’Sondé qui a remporté le prix des 5 continents et présidé par Michel Dansel, prix du Quai des Orfèvres.

L’idée géniale émane du fondateur des Éditions du Net : Henri Mojon, qui souhaitait offrir aux poètes et aux écrivains francophones un événement fédérateur, à l’image de la fête de la musique pour les musiciens. C’était ambitieux. C’est réussi. Chaque année, l’ampleur et la résonance de cette Journée du Manuscrit s’accroit. De nouveaux partenaires rejoignent l’aventure aux côtés des fidèles : France Loisirs ; ActuaLitté ; l’Unesco, représenté par Firmin Matoko, Sous-Directeur général pour l’Afrique ; l’OIF, représenté par Adbou Touré, Ambassadeur et représentant Personnel d’Alassane Ouattara, Président de Côte d’Ivoire ; le Syndicat National des Éditeurs ; la SGDL. L’événement cette année était par ailleurs soutenu par le président Emmanuel Macron en personne et par le Ministère de la Culture et de la Communication, par l’intermédiaire de Loïc Depecker, Délégué général à la langue française et aux langues de France. Autant dire que ça ne manque pas de panache.

 

Une cérémonie au cordeau et flamboyante dans un cadre symbolique cette année : l’Institut du Monde Arabe, en présence Jack Lang. Le lieu accueille en ce moment l’exposition « Chrétiens d’Orient ». Héberger « La Journée du Manuscrit Francophone » revient à honorer non seulement la francophonie, mais aussi les Chrétiens d’Orient et d’Occident et de dépasser les frontières. C’est d’ailleurs l’ambition de Henri Mojon : « Donner une chance d’être publié au plus grand nombre, grâce à notre plateforme d’édition inédite en France qui propose un nouveau modèle dans l’industrie littéraire : nous sommes disponibles sur 95% du marché du livre ! (…) La Journée du Manuscrit a changé ma vision du monde (…), vers une même humanité. La culture vivante existe, les Éditions du Net et la Journée du Manuscrit proposent une approche transversale du monde. (…) Ce que je redoute ? Que l’Intelligence Artificielle, les robots se substituent à la pensée humaine pour écrire des histoires formatées et commerciales. Que la Big Data produise des lecteurs-consommateurs, pour qui le livre deviendrait un plaisir instantané, jetable au détriment des ouvrages qui invitent à la réflexion, qui forment la pensée et au détriment des libraires. (…) Grâce à la Journée du Manuscrit une nouvelle librairie a ouvert à Yamoussoukro et un lieu de culture en Afrique est toujours une bonne nouvelle ! (…) Les hommes peuvent peut-être être libres et égaux, à condition qu’ils soient fraternels : c’est cela que la Journée du Manuscrit apporte, la fraternité, la culture qui unit. »

Parmi les autres prises de paroles, quelques mots resteront gravés longtemps. Ceux de Firmin Edouard Matoko par exemple : « La Journée du Manuscrit et l’Unesco partagent les mêmes idéaux de liberté de créer, de liberté culturelle. (…) Investis dans la défense de la créativité sous toutes ses formes, toutes latitudes ; Pour une diffusion de la pensée et du savoir qui rapproche ; Pour garantir le pouvoir de la transmission orale  et mettre à la portée de tous, partout, le savoir ; Pour l’éclosion de nouveaux auteurs émergents, francophones ».

Abdou Touré a ignoré les notes de son discours et a privilégié, justement, la transmission orale. Une anecdote, une légende ? « C’est l’histoire d’un vieux père dans un village de Côte d’Ivoire. Il s’adresse au jeune homme en face de lui : Aujourd’hui le fils d’hier, le père et la mère de demain. Je voulais rendre hommage à ceux qui écrivent le monde, qui pensent le monde, qui font que la culture devient quelque chose d’extraordinaire. La langue est un combat, pour tous les vieux pères et les jeunes gens. » Il a souligné à quel point la femme inspirait le respect : «Que l’on écrive ou non dans sa langue maternelle ». N’oublions pas le sens de cette formule : « la langue maternelle » et le fait que la femme met au monde l’humanité. À méditer.

Loïc Depecker a insisté sur l’idée de développer la langue maternelle dès l’école maternelle. Le ministère travaille à un projet visant à apprendre la langue française sans négliger la langue maternelle de chaque élève. « En aménageant le français, il s’agit d’offrir la possibilité de partager et de composer, ensemble. (…) Que les enfants arrivent à la maternelle en ayant l’opportunité de parler à la fois leur langue d’origine et le français. (…) Une intention pédagogique et humaniste pour développer des citoyens à l’aise ».

 

Michel Dansel a clôturé ces prises de paroles d’une grande éloquence : « L’écriture créative, au lieu de diviser les idéologies mal comprises ou mal interprétées, au lieu de séparer, de segmenter, constitue un pôle universel d’entente et de compagnonnage de l’esprit et du cœur. (…) Les Éditions du Net et la Journée du Manuscrit représentent une flamme vive qui fait obstacle aux dogmes et à l’obscurantisme. Il s’agit bien de réunir l’ensemble des forces vives, créatrices, les poètes et les écrivains, parmi les plus faibles et vulnérables, les plus facilement opprimés. Parce qu’ils osent exprimer ce qui pèse sur leur conscience, ce qui en fait des cibles, au sein de sociétés rugueuses. La faille des écrivains est qu’ils ne sont pas grégaires : ils travaillent seuls. Voire : individualistes. En cela, ils constituent un maillon faible de la vie sociale, en marge. Les Éditions du Net et la Journée du Manuscrit, également dans la marge en proposant un événement qui rassemble, proposent un modèle unique et porteur d’espoir : un modèle où tout le monde a sa place, pour une nouvelle littérature. Car c’est la marge qui fait la page. Et Henri Mojon, son fondateur, est un porteur de lumière ».

 

« Lisez, n’oubliez jamais la valeur des mots, des écrits. Lisez les auteurs, achetez leurs livres ! » a conclu Wilfrid Ayéméné, publié chez Actes Sud et qui a appris la langue française en Seine et Marne, sans jamais oublier sa langue natale.

 

 

« L’éconduite », Isabelle Kévorkian

Les Éditions du Net et La Journée du Manuscrit permettent, en effet, aux démarches littéraires les plus expérimentales et improbables d’éclore. « Amertume », sélectionné et publié en 2015, donnait un droit de réponse romanesque à David-Raphaël, le fils des « Colères » de Lionel Duroy (Éditions Julliard -2011). Dans la continuité de cette démarche singulière, inédite en France, j’ai proposé cette fois de donner la parole à Sarah Saber, un personnage qui fait progresser l’intrigue de « L’absente » de Lionel Duroy (Éditions Julliard-2013) et qui s’évanouit quand l’auteur trouve cette absente qu’il traque roman après roman. « L’absente », c’est l’œuvre de sa vie, c’est le grand sujet de sa créativité : sa mère. Je me suis mise à la place de Sarah Saber, devenue « L’éconduite ». Elle prolonge « L’absente » en donnant sa version d’une situation romanesque imaginée par Lionel Duroy. Si « Amertume » se situait dans un registre familial, « L’éconduite » se lit comme un thriller politique dans la lignée des écrits de Duroy, de son passé de journaliste-reporter et de ses origines, troubles. Il questionne sur l’amour, les enfants, l’écriture pour survivre, pour ne pas mourir ; sur la place des individus en temps de paix, en temps de guerre. De quel côté se situe-t-on. Bourreau ? victime ? collaborateur ? résistant ? Où est la vérité ?

J’ai prolongé ces atermoiements : d’origine arménienne, alors qu’il aura fallu une vague d’attentats terroristes pour que la Question Arménienne en France soit considérée et que, peut-être, un jour, j’y trouve ma place.

Sauf que l’Asala a divisé et le génocide des arméniens continue de faire débat. Cet ouvrage raconte aussi cela : le rôle de l’Asala, l’Armée Secrète Arménienne de Libération de l’Arménie et ses conséquences, tragiques. Un ouvrage expérimental qui mêle fiction et réalité, qui mêle « L’absente » et « L’éconduite », qui mêle les doutes de Lionel Duroy et les miens. Un auteur que j’admire infiniment, sans qui je n’aurais sans doute pas écrit et qui me permet d’oser, en effet, écrire en marge de ce qui est attendu. Certainement pas mainstream ni consensuel. Unique. Intime et sincère. Quand on est d’origine arménienne aujourd’hui, on demeure en marge : vivante et libre, je le suis, niée aussi. Je n’existe pas. Le négationnisme persiste. À mon tout, je remercie les Éditions du Net d’encourager la marge. Merci à Michel Dansel d’avoir présenté les choses ainsi et rappelons que les premiers visés, lors du génocide des arméniens étaient les écrivains, les poètes, les intellectuels comme aujourd’hui en Turquie les journalistes, les poètes, les écrivains continuent d’être emprisonnés de manière arbitraire. Écrire et créer marginal est la plus grande chance qui m’ait été accordée.

 

Mes romans à retrouver sur le site des Éditions du Net : Confessions d'une petite pute, préfacé par le père Pierre-Oliviers Picard, chapelain de Sainte Rita (Les confessions à l'heure du numérique), Amertume 

Tag(s) : #Litterature, #EVENT
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