Parce que la création est un travail et pour donner un sens concret aux hashtag #PayeTonAuteur ; #AuteursEnColère et aux mouvements qui se sont succédés pour la reconnaissance du métier d’auteur (tous types de secteurs), la Ligue des Auteurs vient de se créer. Ses présidents d’honneur, Tatiana de Rosnay et Joann Sfar ; sa présidente, Samantha Bailly et les 4 membres qui composent le bureau entendent professionnaliser un métier de l’esprit et consolider un statut social, que les différentes réformes ont fini par appauvrir. Une intention déterminée, encadrée par La Charte des auteurs. Une création soutenue par la SGDL, la Guilde française des scénaristes, le SNAC ou encore la SCAM et l’ATLF.
Car (puisqu’il faut le préciser) auteur constitue un métier, incarné par des biographes, romanciers, scénaristes, paroliers, traducteurs, illustrateurs.
Le dernier baromètre des relations auteurs-éditeurs publié par la SCAM et la SGDL présente un constant alarmant : 1 auteur sur 10 conserve le même éditeur et 1 auteur signe avec 5 à 10 éditeurs en moyenne ; 2 sur 10 s’estiment satisfaits de cette relation et le point d’achoppement concerne la diffusion et la commercialisation. Le versant économique tend davantage ce lien fragile, par son opacité : droits dérivés, pilon, exploitation numérique, reddition des comptes. Sur ce dernier point en particulier, 12% des auteurs n’en reçoivent jamais et 64% doivent écrire à leur éditeur percevoir le paiement de leurs droits, fruit de leur travail ! Or, comme l’a souligné Marie Sellier, présidente de la SGDL : « Auteur est un métier qui contribue à l’activité économique ! »
C’est cela que raconte Antoine Chereau à sa manière mordante, cette paupérisation du métier, cette place qu’un auteur aura du mal à trouver dans la cité et, notamment sur les salons. Une médiatisation et une promotion nécessaires, parfois agréables, souvent ingrates.
Antoine Chereau dessine depuis plus de 30 ans. Des saynètes reconnaissables : bulles arrondies, couleurs d’automne, dialogues courts et percutants, sens des situations qui se passe de tout lyrisme. Une plume humoristique qui révèle la société et ses conditions d’existence féroces. Un style épuré pour mieux traduire les faits. Antoine Chereau, pour ceux qui ne le connaîtraient pas (?), s’est illustré (le cas de le dire) dans les médias et en entreprise. Observateur acéré, curieux, il teinte son oeuvre d’un réalisme ironique ; il ancre ses personnages, aux jambes certes fines, supportant des corps charpentés. Il en faut de la robustesse pour survivre. Ethnographe impertinent et empathique, son oeuvre est d’une cohérence incroyable.
« Le bonheur d’être auteur » se décompose en deux chapitres. Auteur : un métier ? oui mais lequel ; la création ? oui, mais comment. Et un autre versant concernant la notoriété, la visibilité et la rencontre avec le public. Rappelons que c’est dans ce contexte, lors du Salon du Livre de Paris, l’an dernier, que le mouvement des auteurs en colère s’est exprimé, face à une ministre de la Culture qui, bien qu’elle soit éditrice, semble demeurer malentendante et aveugle aux constats et revendications exprimés.
Il n’empêche : auteur est un bonheur, en dépit des tracas, de la solitude, de la non reconnaissance, de la multitude de compétences requises. Créer ne suffit plus : être auteur, c’est aussi se substituer à son éditeur pour exister. Auteur n’est pas une imposture, c’est un engagement, c’est une force, c’est tellurique : « -Plus tard, je serai écrivain -Tu as décidé d’angoisser Maman ? »
« Le bonheur d’être auteur », Chereau. Éditions Pixel Fever. 218 pages couleur, 12 euros.