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Ce soir France 5 diffuse un documentaire sur la légitime défense. « Soucieuse de prévenir le mal, la loi vous autorise à vous défendre contre celui qui l’attaque -ou à défendre le tiers attaqué. Il convient toutefois que votre défense soit, au moins approximativement, proportionnée à l’attaque. Il s’agit donc de prévenir, non de punir. » lit-on concernant le droit pénal (Éditions puf ; Michèle-Laure Rassat). La légitime défense est donc et avant tout une loi (art.122-5). Le documentaire réalisé par Olivier Pighetti, diffusé ce soir sur France 5, propose un état des lieux en trois séquences : faits de société, à partir de cas qui ont défié la chronique. Condamnations. Verdicts. La question centrale autour de laquelle est abordé le sujet est la suivante, cash : « Peut-on tuer sans être condamné ? »

Se pose dès lors le débat, animé par Marina Carrère d’Encausse, de l’auto-défense, du statut : de victime à meurtrier, et du point de vue moral versus le droit. Le droit pénal est-il compatible avec l’émotion ? la moralité implique-t-elle nécessairement la légitimité de l’acte de défense ?

 

Si agir dans le feu de l’action, en état de stress est audible ailleurs, au regard de la loi française, plus stricte que d’autres pays, la légitime défense repose sur deux principes : elle doit constituer une réponse immédiate, nécessaire et proportionnée à une agression ou un acte de violence. Lesquels doivent se révéler injustifiés et immédiats. Les magistrats condamnent ou acquittent, le plus souvent prononcent des peines symboliques. Pourtant la légitime défense induit une mort d’homme et toute mort appelle une sanction. Pour autant, ces décisions de justice doivent s’appuyer sur un contexte, un historique, la psychologie des parties prenantes. Or, le plus souvent, le ressenti et la subjectivité s’invitent dans les délibérations, qui deviennent arbitraires. 

 

Les faits présentés ce soir sont très différents et ne présentent pas le même degré d’attaque ni de défense : violence intrafamiliale, braquage armé, délinquance « ordinaire ». La conséquence est néanmoins semblable : mort d’homme et victimes collatérales qui en perdent leur identité, devenant « le frère du tueur » « la sœur du braqueur ». Déclinaisons terrifiantes : le déchaînement de haine gratuite sur les réseaux sociaux, justice sommaire des internautes qui commentent ou « likent » sur Facebook, pour prendre la défense ou jeter l’opprobre. Un avocat n’hésite pas, à cet égard, à dénoncer « l’état d’ébriété civile » ! Le rôle de la presse n’est pas à négliger non plus, quant à la manière de faire peser la légitime défense sur la peur des citoyens, dans une société démocratique. La légitime défense intervient lorsqu’il n’existe aucune autre possibilité que celle d’agresser en retour, quand le danger est avéré au moment des faits. Être en état de légitime défense signifie être en capacité de reconnaître la menace qui a généré l’acte irréversible. La sémantique et la posture du condamné apportent la crédibilité et la légitimité pour plaider. S’il évoque un « trou noir » à la barre, à l’instar de Fatiha lors de son procès, 5 ans après les faits qu’elle a essayé d’oublier, sa défense sera plus ardue et la sentence n'en sera que moins complaisante. La différence entre ne pas avoir voulu tuer et ne pas avoir tiré est essentielle. Se positionner comme « meurtrier » ou comme « tueur » apporte une nuance, également. Le meurtre est considéré comme un acte volontaire et déterminé, intentionnel, quand tuer peut englober la notion « d’accident ». Pour autant, tous les acteurs de légitime défense expriment la même chose : « Je n’aurais jamais penser ôter la vie, je n’ai jamais voulu tirer, je voulais seulement me défendre, c’était sa vie ou la mienne. »

 

Le reportage ne donne aucune réponse ni ne prend partie : il pose, explique, factuel. Chacun se fera son opinion, chacun essaiera de se mettre à la place des victimes et des condamnés et la morale n’aura pas droit au chapitre, relevant du passionnel et du romanesque. Pourtant " La morale réfléchit sur l’action pour lui donner des règles, elle concerne stricto sensu le temps de l’action : le présent. N’a-t-elle pas une date de péremption ? À quoi bon poser des problèmes moraux dans l’abstrait, se redemander ce qu’ont pu en dire, jadis ou naguère, d’illustres philosophes comme Aristote, Descartes, Spinoza, Kant et Nietzsche, qui parlaient pour leur temps, puisque l’action « ne souffre pas de délai » (Discours de la méthode, troisième partie), comme le notait Descartes ? C’est le maintenant et tout de suite qui sollicite moralement." (La morale, Eric Blondel, GF Flammation)" De même que c’est l’immédiateté qui prouve la légitime défense. Alors : quelle peine raisonnable et audible, aux parties civiles et au condamné en cas de légitime défense ? À méditer.

 

Durée : 70' > Un film d’Olivier Pighetti, France 5 > Produit par Piments pourpres production avec la participation de France Télévisions  >  Inédit

 

 

 

Tag(s) : #Audiovisuel, #justice, #légitime défense
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