1512 : La Cordelière de Portzmoguer, corsaire du pays d’Iroise. Plusieurs ouvrages ont déjà été consacrés à Hervé de Portzmoguer, même un spectacle qui retrace son ultime bataille en mer, mis en sons et lumières au théâtre de verdure de Plougonvelin (Finistère nord, mer d’Iroise). L’opuscule de Georges Kévorkian a le mérite de synthétiser les publications existantes, à l’aide d’un style alerte et de quelques références historiques majeures, condensées. Ni un ouvrage d’historien, ni un roman, ni un essai : une forme d’écriture originale. Disons plutôt, un questionnement, une réflexion, comme une bouteille à la mer offerte au grand public avec humilité pour un moment de partage et, surtout, avec altruisme, aux associations qui ont permis ce travail singulier : Aux marins (mémorial national des marins, iconographie), Expotem (illustration de la caraque « Cordelière ») et le musée de Saint-Renan.
Écrit par un breton d’adoption d’origine arménienne, né aux abords de la mer méditerranée, qui a longtemps présidé l’association armeno-bretonne « Menez Ararat », le rôle de la Cordelière en Méditerranée en l’an 1501 est naturellement évoqué. Anne de Bretagne entend alors « défendre l’Occident chrétien attaqué par les musulmans ». Parmi l’escadrille qu’elle mandate, la Cordelière apparaît, dans une ligue chrétienne, avec pour mission de « chasser les Turcs de l’île de Mytilène » en mer Égée. Ce sera un échec. Le devenir de la Cordelière, initialement baptisé Marie la Cordelière (en référence « à la mère Marie et Saint François d’Assise (…), créateur de l’ordre des Cordeliers (…) dans lequel les religieux portent un cordon autour de la taille) n’en est pas scellé pour autant. En 1512, « une coalition s’est formée entre l’Angleterre et l’Espagne (…). L’Angleterre vise les côtes normandes et bretonnes ; Quant à l’Espagne, elle veut conquérir le pays basque. » C’est dans ce contexte qu’Anne de Bretagne fait appel à Hervé de Portzmoguer pour défendre les intérêts de la Bretagne, sur la Cordelière. Hervé de Portzmoguer, capitaine originaire de Plouarzel, commune située à « l’extrême pointe occidentale de la France continentale », a la réputation d’être un « marin d’exception. » Dans la nuit du 10 août 1512, la Cordelière est attaquée par le Mary Rose, le Sovereign et la Régente anglaises. La bataille fait rage au large de Bertheaume, dans le goulet de Brest. La Cordelière finit par prendre feu. L’embrasement est tel qu’Hervé de Portzmoguer se jette à l’eau et se noie, emporté par le poids de son armure.
L’auteur revient sur les différentes hypothèses qui relatent ce sinistre et légendaire épisode qui fait l’histoire du pays d’Iroise, en particulier cette fête extravagante et flamboyante, dont Hervé de Portzmoguer aurait été à l’origine, le 9 août 1512, alors que la Cordelière mouillait dans le port de Brest. Cet événement serait à l’origine (fortuit) de la confrontation navale tragique qui, cependant, auréolera de gloire le vaillant marin au patronyme controversé (Portzmoguer, Primaugay, Porzhmoguer…) et à la devise sans équivoque « Sur mer et sur terre » (« war vor ha war zouar). Plusieurs chants lui sont consacrés.
Entre autres questionnements : les dates, l’avant-dernière soirée de la Cordelière remplie d’invités civils, les origines du capitaine de Porztmoguer, la fortune tout à la fois funeste et héroïque de la caraque bretonne, et les alliances historiques, fondatrices. Alliances, mésalliances et désunions au gré des « intérêts du moment, souvent avec la complicité des papes. »
Cet ouvrage, riche en illustrations d’époque, en cartes et en iconographie moderne et historique, pose comme ça, l’air de rien, en filigrane, un sujet crucial : les abus du pouvoir et de l’église, au détriment des intérêts du peuple et des citoyens. Une question plus que jamais d’actualité. Chacun jugera et se fera son opinion et, peut-être, apportera des éléments de réponse. Comme un puzzle à reconstituer.
1512 : La Cordelière de Portzmoguer, corsaire du pays d’Iroise. Georges Kévorkian (ancien sous-marinier). Books on Demand. 14 euros.