
Nick Bollettieri : satrape, père tout puissant, extra-coach ? Nick Bollettieri : l’homme qui a donné sa vie au tennis, qui a vendu son âme et son cœur au tennis. Ce genre de pacte qui mène tout droit vers l’enfer. Nick Bollettieri a fondé en Floride l’académie de tennis qui porte son nom, une première au monde, regroupant la future élite du tennis féminin et masculin, de jeunes prodiges retirés à leurs familles, enfermés dans une prison dorée, pour ne plus se consacrer qu’à leur sport. Il l’a faite grandir cette académie, grâce à sa famille aux ramifications tentaculaires : une mafia italienne silencieuse, qui ne souffrait aucun obstacle. Nick Bollettieri y a enfermé les meilleurs. Cela n’était pas suffisant : il recherchait « Le gagnant » « Le champion » « Parce qu’une fois qu’on a un gagnant, on gagne le respect » et, effet papillon ou effet domino, un résultat en appelle un autre, et le succès court vers la dérélection. L’académie Bollettieri est présentée comme le modèle capitaliste de l’entraînement : les promis du Grand Chelem, isolés, reclus dans cet endroit où l’esprit de compétition était à son paroxysme. « Ça peut façonner, ça peut briser » « Un environnement compétitif fait éclater les talents comme la rage ».

Monica Seles, Jim Courier, Andre Agassi, Boris Becker, Mary Pierce, les soeurs Williams, Maria Sharapova et tant d’autres noms illustres ; 180 Grand Chelem. Nick Bollettieri : « [je] voulais réussir avec des gagnants » car avant tout, son ego était l’enjeu, sa soif inaltérable de reconnaissance. Nick Bollettieri raconte son histoire et celle du « centre » avec panache, sans remord ni regret, sans empathie ni compassion, sans doute : « Je sais motiver » « C’est un don de Dieu », appuyant sa méthode empirique, aux règles douteuses sinon absentes : « J’étais obligé d’être controversé, je venais de nulle part ! » Il regarde droit dans les yeux la caméra, frontal, il n’a rien perdu de sa superbe. Pourtant en 2010 la « colonie » fermera définitivement ses portes, dans des circonstances accablantes. Nick Bollettieri souhaitait sa part de gloire éternelle, aux côtés des champions auxquels il s’acharnait à vouloir « donner une direction », sans réfléchir aux conséquences. Il traçait, au détriment de sa vie intime et personnelle, de ses huit épouses, de l’argent. Sa conquête était autre : la lumière et son miroitement impérissable.

Le documentaire donne la parole à de nombreux prodiges : Kathleen Horvath, Boris Becker, Jim Courier, Carling Bassett.



Le seul qui a refusé de témoigner est Andre Agassi, qui constitue l’exemple le plus éloquent de la grâce et de la disgrâce de cette « prison basse sécurité » expérimentale. Tous étaient des champions. Ce qui les caractérisait selon Nick Bollettieri ? « L’envie, la motivation, la mobilité, l’envie de gagner. » Certains avouent avoir « aimer la pression », d’autres se rappellent les humiliations de cet enseignement impitoyable, auprès d’un « père » qui prodiguait un amour et une attention à deux niveaux, inique. Nick Bollettieri se justifie : « Dans la vie si on ne fait rien de mal, on n’atteint jamais le sommet. » « Je voulais faire la différence, réussir. » « Le mental ! » Pour Nick Bollettieri, seul le mental comptait.

Les images des matchs les plus significatifs, Roland Garros, Wimbledon, nous les avons tous en mémoire, celles de l'âge d'or du tennis, les années 80, celles du marketing aussi, qui a rajouté de la pression à la pression de la « colonie ». On les connaît toutes, ces images de finales, on n’ignore aucun des résultats, on se souvient des larmes, des rires, des coupes brandies ou des plateaux, de l’amertume et de la joie. Pourtant, en découvrant les coulisses de ces matchs flamboyants, des frissons nous parcourent. Le documentaire nous présente le revers de ces success stories, les coups bas, les blessures, un modèle cruel. D’autres pensées contradictoires se rajoutent : Nick Bollettieri a voulu être un père trop parfait, il a échoué et en même temps il a fait de son mieux. On ne peut pas rester insensible à cet homme de quatre-vint-six ans, si fidèle à lui-même, altruiste et sincère : « Si je regarde en arrière, je sombre mais je peux m’adapter pour faire mieux. »

À la fin, il lit une lettre que lui a adressée Andre Agassi. Ses trémolos dans la voix nous remuent : « Ce qui m’importe, c’est que je vais réparer ça. » Nick Bollettieri n’abdiquera jamais.

France 2 diffusera le documentaire « Love Means Zero », dans la case 25 Nuances de Doc, le mardi 21 mai 2019 à 00.45
Réalisateur Jason Kohn
Production Kilo Films
Distribution Cinetic International / Showtime.
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Boris Becker : " Gagner à tout prix "
" Qui aurait osé faire ça ? Moi ! ", revenons sur les provocations de Boris Becker face à Andre Agassi en 1995 à Wimbledon pour le faire sortir... Sur les consignes de Nick Bollettieri.
https://www.france.tv/france-2/infrarouge/999881-boris-becker-gagner-a-tout-prix.html
Nick Bollettieri, extrait