Louis Caradec est né en 1934 dans une ferme, à Plougonvelin. Une commune du Finistère nord, au service de laquelle il consacrera 25 années de sa vie en tant que maire. Davantage, si l’on considère l’œuvre patrimoniale et mémorielle que l’homme, devenu auteur, lui a consacrée, ainsi qu’aux alentours : la pointe Saint-Mathieu, dont il est l’entrepreneur ; Bertheaume ou la réhabilitation d’un fort Vauban en théâtre de verdure ; les communes de Plouarzel, Lanildut, Le Conquet. Un territoire cher à son cœur et à son âme, conquis sans lutte, au gré des opportunités et des rencontres qu’il a su provoquer, en écoutant son instinct. Une philosophie qui l’avait guidée dans une vie antérieure déjà hors norme : militaire et pilote à Agadir, Dakar, Lann-Bihoué, Saint-Raphaël, Khouribga, Aspretto, aux États-Unis, notamment à bord du Lancaster. Banquier, au Crédit Agricole du Finistère. Époux et père, heureux de célébrer 62 ans de vie commune avec Jeanine, alliée de chaque instant, à qui un chapitre est dédié. D’ailleurs, lors d’une étape professionnelle à Chambéry, Jeanine enceinte n’accompagne pas Louis qui s’en trouve démuni : « Ça n’est pas mon meilleur souvenir -d’abord parce que Jeanine n’était pas avec moi. Et moi je n’aimais pas beaucoup être seul ! » Derrière chaque homme public, se cache une femme complice et discrète. Autant de chemins de vie qui se rejoignent, nécessitant des qualités humaines et professionnelles transversales, une agilité et un sens éprouvé de la convivialité.
La plume de l’écrivain public Annaïg Huelvan introduit le portrait de cet homme sincère et touchant, en ces termes : « La passion qu’il a mise dans les choses, la force et la puissance de sa vision politique. » Un homme passionné donc, visionnaire et rassembleur. Devenu maire honoraire, Louis Caradec demeure lucide : « 25 années, un quart de siècle à la tête et au service de ma commune… c’est long et, à la fois, ça passe à une vitesse folle, un quart de siècle, quand on a la chance d’occuper un poste aussi important, en première ligne, donc ‘exposé’ et en situation de prendre des coups. On accepte ou on n’y va pas ! »
Ça commence fort : « J’ai été ambitieux très tôt, je ne peux pas le cacher. » C’est cette ambition que Louis Caradec a polie comme une pierre de granit, pour mettre tout en œuvre au service de l’intérêt commun et de la chose publique. Maire ne lui suffisait pas. Il sera à l’origine de la Communauté de Communes du Pays d’Iroise (CCPI) : « L’objectif était de tirer tout le monde vers le haut. » Quand ce pays est devenu trop étroit, il est devenu président de l’Association des Maires du Finistère. Puis écrivain (12 ouvrages en images, le temps d’une décennie).
Louis Caradec a toujours vu le verre à moitié plein. Ses échecs sont devenus des réussites, les refus : d’autres perspectives, et les tourments de la vie : une foi plus intense en l’avenir.
« Je crois que j’ai toujours eu le sens de l’essentiel. » Cet homme centré et pragmatique peut s’enorgueillir d’un bilan riche : « Plougonvelin s’est distinguée, reconnue au plan national. » À son crédit, outre les dossiers régaliens, des sujets transversaux et une méthode fondée sur la délégation. Le street-art (premier village peint), une piscine à l’eau de mer, un centre de vacances des armées, un centre nautique, une station d’épuration, des actions en faveur du reboisement, un centre de déchetterie respectueux de l’environnement, un espace culturel d’envergure, une chorale, un cinéma labellisé art et essai, jeune public et répertoire. Un cénotaphe, pour se souvenir des marins morts pour la France, dont la stèle semble protéger la mer d’Iroise. L’architecte de ce lieu de recueillement, Thierry Mercadier, résume la pensée de tous ceux qui ont croisé le chemin de Louis Caradec, cet homme prompt à « faire converger les énergies. » « Il installait de l’entente dans les échanges (y compris avec ses opposants), de la simplicité. (…). Il a une grande souplesse pour dépasser les différences et les inerties. »
Un regard partagé par les maires qui ont succédé à Louis Caradec. Israël Bacor : « Louis a toujours été un homme de projet » « Louis incarne l’époque des maires bâtisseurs » ; Bernard Gouérec : « Sa force était de s’allier avec les bonnes personnes pour obtenir conseils et subventions -des personnes d’influence quel que soit leur courant politique. » Louis conclut qu’il ne se prononcera ni en faveur de l’un, ni en faveur de l’autre pour les prochaines élections municipales car « tous deux ont été mes premiers adjoints (…). En soutenir un reviendrait à défavoriser l’autre… » La loyauté, la confiance et la complémentarité au service de l’intérêt général, très loin de toute politique politicienne.
Louis Caradec prodigue volontiers quelques conseils : « Il convient aussi d’avoir un temps d’avance. » « J’ai toujours veillé à la concertation. » « On a le droit -presque le devoir- de ne pas être toujours d’accord. Mais ce qui est sûr, c’est qu’il n’y à rien à cacher. » « Pour diriger, il faut avoir un gilet pare-balles et être dévoué. » Il conclut : « Le pouvoir est une chose qui devrait sans doute rester exceptionnelle. »
C’est ce parcours non moins exceptionnel, qu’il nous est donné de lire. Un parcours qui force le respect, réjouissant, singulier, d’une grande cohérence, tissé d’anecdotes, de coulisses et de témoignages émouvants. Le tout retranscrit avec fluidité, quelques références sibyllines à la littérature et la poésie, de l’allant et un soupçon de malice.
Si Louis Caradec ne devait retenir qu’une action, manifeste d’un sentiment d’accomplissement ? Le lien social qu’il a recréé : « Je voulais rapprocher les gens du haut et du bas parce qu’ils ne se connaissaient pas. » Sans doute parce que, à l’origine Louis est un « plouc » au sens noble du terme. À méditer.
Louis Caradec : « Itinéraire improbable mais cohérent » ; Les chemins de vie (Hentchou Ar Vuezh), écrit par Annaïg Huelvan ; 147 pages, 18 euros (frais de port : 4,50€).
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