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Héritage, Miguel Bonnefoy

Éditions Rivages, 207 pages, 19,50€

 

Héritage, Miguel Bonnefoy

Miguel Bonnefoy ne cesse de se faire remarquer sur la scène littéraire depuis « Le Voyage d’Octavio » en 2016. Il confirme, avec ce troisième roman, l’extraordinaire romancier qu’il est. Fabuleux auteur de contes, à l’économie de mots savamment orchestrée au service d’une histoire qui s’étire sur plusieurs générations, pourtant resserrée. « Héritage » est un livre merveilleux et émouvant, empli d’une poésie à la fois surannée et moderne. Onirique et suave. D’Amérique latine, éclosent décidément d’élégants auteurs : Neruda, Asturias, Garcia Lorca, Amigorena, au réalisme magique.

Au départ, on y lit un peu du Candide de Voltaire, lorsque le protagoniste-pivot, Lazare, débarque au Chili, contraint par une fièvre typhoïde. Une scène fondatrice, teintée d’un humour espagnol seigneurial qui donne le ton : à quoi tient un destin. Fournir une réponse insensée à une question, et toute une vie dévie.

Héritage manie les unités de lieux, de temps et d’action de manière remarquable. Une construction théâtrale qui permet de suivre les uns et les autres sans jamais avoir envie de les quitter. Les chapitres mettent en lumière les personnages de cette famille française, Lonsonier, qui plante ses racines à Valparaiso. La France devient une fantaisie lointaine. Une personne rattache Lazare Lonsonier et ses descendants aux terres de son enfance : Michel René. Si l’on suit avec avidité l’itinéraire de chacun, ces racines mêlées qui naissent et se développent comme des pieds de vigne en bonne santé, sur la Cordillère des Andes, on n’en oublie jamais Michel René. Qui est-il ? Qu’est-ce qui le lie avec les Lonsonier (Lons-le-Saunier) ?

Ils traversent les exils et les guerres mondiales. Même dans l’horreur, au cœur de l’enfer des tranchées et de la folie meurtrière des hommes, au cœur des sévices de bourreaux et de tortures insupportables, la plume sensible de l’auteur nous restitue quelque réconfort. Une autre exigence d’écriture que Miguel Bonnefoy emploie : la bienséance. Le pire est évoqué, à égalité avec le meilleur : rien ne heurte jamais la lecture. Même la mort est magnifiée et mythifiée.

Ce roman recèle de la magie, celle que distille cet étrange personnage : Aukan, sorcier protecteur. Celle que distillent Les Andes, personnage à part entière. Le voyage est époustouflant, empli de liberté et de beauté, au son de volières exotiques. On y respire la nature, on s’imprègne de rituels et de rites salvateurs, on renouvelle son énergie vibratoire. Lazare appelle Thérèse, El Maestro appelle Margot, aviatrice frondeuse. La lignée se poursuit, aux côtés des Danovsky, d’Ilario, d’Helmut Drichmann et Hector Bracamonte. Tous nous convainquent que « Cet héritage n’a pas besoin de testament ». Il se transmet grâce à l’amour, chacun s’en empare et le façonne davantage. C’est cela un héritage : un état d’esprit, de la passion et une vie d’engagements. Ils continuent d’entrer en scène, toujours plus engagés, comme Ilario Da. L’auteur pose en filigrane cette question qui traverse les époques : face aux châtiments, aurais-je trahi ou résisté ?

À la fin, comme une boucle qui se referme au juste moment, surgit Michel René. On avait fini par l’oublier, Michel René devenu une légende familiale. Un roman circulaire d’une profonde humanité.

Disponible à la bibliothèque du Conquet

Tag(s) : #roman, #actualité littéraire, #miguel bonnefoy, #héritage
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