C'est le film le plus inspirant que je vois, le plus original et singulier, méditatif et contemplatif. Le plus littéraire, pictural et romanesque. Impressionniste et baroque. Une expérience. De l'art contemporain. Quelque chose entre opéra, théâtre, littérature romantique.
Autant dire que ce film, je l'ai adoré et continue de le savourer, des jours après. Il m'emplit comme un voyage au Japon.
C'est l'histoire de Julie, dans les années 80. Jeune fille éthérée, a priori fragile et sage, d'une famille anglaise, bourgeoise et raffinée. Julie étudie le cinéma pour devenir réalisatrice. Elle habite un appartement confortable quoique sans ostentation, en ville. Elle présente au jury de l'école son projet de film de fin de cursus, social, sans convaincre. Elle rencontre Anthony. Il travaille au ministère des Affaires étrangères. Héroïnomane et toxique. Julie l'aime. Elle oscille entre lucidité et aveuglement.
Julie souffre. Anthony a disparu de son existence. Au jury de l'école où elle n'apparaît que de manière fantomatique, elle présente un nouveau projet : l'histoire d'une relation perverse entre un homme manipulateur et drogué, et une jeune fille amoureuse. Son scénario ne comporte pas de dialogues, juste des impressions, des détails, des atmosphères et des musiques. Il convainc encore moins le jury.
C'est l'histoire de la réalisatrice qui a attendu d'avoir la distance nécessaire pour réaliser le film de l'histoire fondatrice de sa vie et son oeuvre (près de 40 ans).
Lorsque j'ai quitté la salle, après la projection de la Part I, je me suis demandé ce que la Part II pouvait bien me réserver puisque l'histoire venait d'être déroulée sous mes yeux. Or, je savais que la Part II abordait justement la réalisation de cette histoire. Eh bien la Part II raconte justement la réalisation de cette histoire.
Ce film est un jeu de miroirs, rempli de masques, d'illusions et de vérités, de soi en écho à soi, de soi et d'une autre que soi.
L'actrice qui incarne Julie (autrement dit Joanna Hogg), Honor Swinton Byrne, est, dans le film comme dans la vie, la fille de Tilda Swinton, que Joanna Hogg a fait tourner à ses débuts et qui sont devenues intimes.
Honor Swinton Byrne est tellement bien filmée, elle correspond tellement au personnage, que c'en est à se demander s'il ne s'agit pas de son histoire à elle, qui aurait eu l'idée d'engager Joanna Hogg, avec qui elle aurait étudié dans son école de cinéma, pour réaliser le film. Elle renverse les rôles et les perspectives. Elle est troublante, évanescente et déterminée, forte et vulnérable.
Le scénario étant dépourvu de dialogues, c'est au spectateur de comprendre, à partir d'un mot, d'une attitude, de bribes d'échanges et ça fonctionne. On est nous-mêmes mis en position d'acteurs, en quelque sorte. Comme aux commandes de ce long-métrage aux renversements géniaux et poétiques, entre onirisme et réalité.