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Bien sûr que si ! François Kasbi
Bien sûr que si ! François Kasbi

François Kasbi, journaliste et écrivain, passe son temps à vivre (la nuit, « visible vers 17h ») et à lire. En filigrane, il s’attache à aimer. Après ses anthologies et bréviaires, rebelle, inactuel et capricieux, de littérature, dédiés à Fanny qui, que, à qui, dont, Etc., son premier roman vient d'être traduit en italien. « L'autre langue de l'amour » lui précise son frère, avec un sourire. Fanny (à qui le roman est à nouveau offert) s'incarne. Elle devient Clarisse.

François Kasbi s'est auto-confiné en 2015 pour écrire « Bien sûr que si ! » L'histoire de Lui qui se sépare d'Elle pour lui consacrer, cinq années durant, un livre. Une démarche Ô combien romantique. Et originale. En quatrième de couv., je lis : « C'est l'histoire d'un homme qui a choisi la littérature. Pour célébrer une femme. Et la vie. » J'ai plutôt l'impression que François Kasbi a choisi la vie, et l'amour, pour célébrer la littérature. Prétextes pour se reclure toujours davantage en littérature. D'ailleurs dans ce roman, récit intime et personnel ponctué de citations (« Pourquoi changer un mot ou une virgule, tenter de faire mieux quand on a déjà le mieux ? » interroge-il) vers la fin, l'auteur écrit : « Un jour -c'était quatre mois après la parution de ce livre, ou sept ans, je ne sais plus, j'ai oublié, c'était il y a bien longtemps -un jour donc, nous nous sommes revus. En fait, Clarisse a sonné en bas de chez moi. » Après un éloquent extrait de Pascal Jardin, « Je te reparlerai d'amour ». De toute évidence, François Kasbi biaise, spécule, se défile ?, pensé-je alors. Est-ce cette issue-là qu'il attend de ses vœux les plus chers, au point de se désocialiser pour écrire Clarisse et la rendre éternelle. La vérité importe assez peu, au fond. Kasbi a réussi. D’emblée (après une autre citation de Pascal Jardin, « Le nain jaune »), il annonce : « Il faut bien qu’il y ait une différence entre vivre et écrire, celle-là en est une, déterminante et grave. Depuis que je respire la littérature, j’ai toujours su qu’il y aurait un jour bataille -entre la littérature et la vie : Clarisse en fut l’enjeu. » Perdu d’avance. Lui-même ne s’en cache pas : « Combien de temps perd-on à ne pas prendre la décision que l’on sait prise ? » Le temps d’écrire. L’écriture sait tout, révèle ce que l’on remise. Kasbi insiste : « C’est facile d’oublier : il suffit de ne pas se souvenir. » Bien sûr que Oui, cher François Kasbi : « Toute ma vie, j’ai cru à la force du souhait. On découvrira sans doute que le désir est une matière tangible. Tout ce qu’on écrit finit par devenir vrai. (Colette). » 

Bien sûr que si ! François Kasbi
Bien sûr que si ! François Kasbi

François Kasbi s’expose. Élégant (« L’élégance est une morale ») et subtil. Il choisit ses auteurs avec art et malice, égrenant Étienne Daho, Louis Aragon, Pierre Brasseur et Arletty et Daniel Darc, Drieu la Rochelle, Stendahl, Pierre-Jean Jouve, Spike Jonze, Jean Anouilh, Sylvia Plath, Romain Gary, Clarice Lispector, Céline, Montherlant, Gide, Toulet, Truffaut, Artaud, Rilke, Damien Chazelle. C’est la culture qu’il convoque. Toutes les formes d’expression. Jusqu’à la renaissance. Il écrit romanesque et dandy (quand « intime et apparence consonnent »). Avec parfois des élans poétiques merveilleux : « Voyager, ensemble, au coin de la rue. » Je fredonne Yves Simon, qui rêve New-York. Interpellant Gregory Corso qui lui répond que la puissance, c’est rester debout au coin d'une rue et n'attendre personne. Plus loin : « et la montagne qui avançait le matin pour nous réveiller ». Élans auxquels font écho les auteurs. Baudelaire : « Sois toujours poète, même en prose. » Car son roman est aussi une extraordinaire plongée en écriture. En écriture et en convocations : « « Est seul celui qui n’est le numéro un pour personne » : j’avais lu cela un jour, je ne sais où -et comme souvent avec les citations, certaines impriment immédiatement, comme destinées à servir. Je suis seul. » L’écriture, c’est être seul : « J’y avais le temps de lire et d’écrire (et je me préservais des mondanités et de l’égarement-dispersion-dissipation sociale qu’elles entraînent). » En écriture et en littérature : « La littérature peut être une école -une modalité- de sur-vie. De vie comme si. » Et si, donc.

S’il suffisait d’aimer, chante Céline Dion, d’aimer lire ce livre, à tous les temps de la vie et de l’amour. Ce livre de « L’artiste qui a un corps et dont le livre atteste qu’il tente un « truc ». » Il a essayé, guidé par la nécessité.

 

Bien sûr que si ! François Kasbi, Éditions de Paris Max Chaleil, 159 pages, 15€

 

Tag(s) : #Litterature, #François Kasbi, #Bien sûr que si, #Max Chaleil
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