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Documentaire, Brett Morgan
Moonage Daydream, Bowie

Ce film est une expérience psychédélique, hallucinogène, fantasmagorique, onirique, multi et extra sensorielle. Aussi complète que l'est cet artiste : David Bowie.

On a bien compris qu'il s'agissait d'une expérience, pour le réalisateur. Certainement pas un biopic. Les journalistes l'interprètent comme étant un documentaire sur David Bowie. À mon avis, ils se trompent. Tous.

Moonage Daydream est moins un documentaire sur Bowie que sur un autre sujet, pour lequel Bowie devient le prétexte, l'avatar, l'objet en quelque sorte. En vérité, il est question de création artistique et ce que signifie être artiste, ce que cela implique, propose, comment s’autoriser à l’être et s’y engager. Artiste qui traverse le temps, atemporel, intemporel. Artiste éternel qui n'a jamais cessé de mourir pour renaître, sous la forme des personnages qu'il a lui-même imaginés et interprétés pour réinventer sans cesse. Jamais là où on a pu l’attendre. L’ambition de David Bowie n'a jamais été la gloire, la reconnaissance, le succès, plaire. Son ambition était la création artistique, toutes formes d'expressions. Son ambition n’a jamais été d’atteindre la perfection : il n’était pas un musicien hors pair, ni un danseur tellement excellent ou un peintre de génie. Il était suffisamment musicien, danseur ou peintre pour créer et coordonner de nouveaux projets transverses. Son talent s’exprimait surtout dans l’inventivité et l’écriture. C’est ça, être artiste.

Documentaire, Brett Morgen
Moonage daydream, Bowie

Être artiste implique une connexion avec l'Univers, avec Dieu, la religion ; avec le monde et les gens sans pour autant socialiser. Il s'agit davantage de s'inspirer et d'observer. De rester à l'affût, curieux. Être un artiste est une quête. Une quête de soi bien sûr, infinie. C'est rester humble et en retrait. En marge. C'est provoquer le chaos et chercher les limites. C'est perdre pied, parce qu'alors, il ne reste plus qu'à sauter dans le vide pour se dépasser, se renouveler. Être artiste provient d'une énergie. C'est un don, comme la foi. Et comme la foi, créer se nourrit et se cultive.

Être un artiste, c'est oublier le passé et ignorer l'avenir. C'est ne jamais s'embourgeoiser mais s'installer toujours ailleurs, au milieu d'autres qu’on ne connaît pas, et à chaque fois épurer, s'alléger davantage jusqu’à ne rien garder, en fin de compte, du superflu. Par exemple, David Bowie ne se serait pas installé au Japon, un pays qui lui apparaît comme la quintessence d’un certain art de vivre, en sécurité, dans le respect, le calme, la nature. Or si atteindre cet essentiel est sans doute propice à la vie, au quotidien de la vie, il constitue un frein à la création. C’est tout le contraire à L.A. où justement, parce que vivre y était insupportable pour l’artiste, il a pu se concentrer, s’impliquer cœur, corps et âme, dans la création. Être artiste c'est tout donner, risquer, une abnégation sans condition, vivre reclus en création.

Évidemment ce qu'on créé à 35, 40, 50 ans n’aurait pas été possible avant, parce créer est la somme des expériences et des observations, et du temps qui passe. Plus tard, quand on a atteint une sorte d'équilibre, quand on devient « superstar », c'est-à-dire quelqu'un d'un peu ringard, qui a vieilli en même temps que son public, auquel on a offert ses créations en temps réel, évoluant ensemble, et ensemble assurant une transmission, on est prêt pour l'amour et une vie plus apaisée. Et finalement l'amour qui était une entrave à la création devient soudain l'essentiel, au cœur même de la création voire, qui surpasse la création artistique. C’est ce qu’il a ressenti lorsqu’il a rencontré Iman, prêt à prêcher l’Amour d'abord.

Documentaire, Brett Morgen
Moonage Daydream, Bowie

J'aurais aimé ponctuer cette chronique de quelques-unes des citations que le film propose, matières à d'extraordinaires réflexions spirituelles, sociales, sociétales, et artistiques. Mais j'ai été happée comme dans une spirale, par le film. J'ai perdu pied. Je suis comme rentrée dans l’écran, dans chaque pixel des images, dans les fichiers wave des sons. Absorbée tout entière. Il reste cependant la bande originale, sur laquelle les propos du film sont en écoute et ces quelques citations dites par Bowie lui-même. C’est choc et chic.

La bande originale prend aux tripes et ensorcèle. Le travail de réalisation est dément, fouillé au point de n'apporter qu'une matière inconnue aux profanes et aux fans, qui prouve que même mort et ressuscité tel Lazare, David Bowie n'en finira jamais de revenir avec autre chose à dire et à montrer, à faire entendre, comme une parole divine en réflexion permanente et perpétuelle. Une bougie qui ne s'éteint jamais, dont la flamme oscille au gré de l'air du temps et brouille tous les repères, au service de la création artistique. Normal : l’air du temps est le plus souvent artistique.

Moi, je dis tout simplement merci à Brett Morgen, de nous faire lire cet Évangile hors norme, devenu disciple d'un artiste, David Bowie, à la fois élégant et iconoclaste. Pour les siècles et les siècles. 

Tag(s) : #David Bowie, #Moonage Daydream, #film, #documentaire, #Brett Morgen
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