Mes grands-parents paternels, issus de l'immigration arménienne, rescapés et installés à Cogolin après un parcours chaotique depuis Ouchak et Kütahya en Asie Mineure, ont fait partie de la main d'œuvre de la manufacture dès 1923, jusqu’à leur retraite. À l'origine spécialisée dans la sériciculture, la Manufacture des Tapis de Cogolin venait de décider de se repositionner dans les tapis en faisant appel au savoir-faire oriental. Mon grand-père, chef d'atelier et coloriste, et ma grand-mère tisseuse, ont répondu à l’appel de Jean Lauer. On leur doit les tapis qui ont orné les Paquebots France, Normandie, l'Élysée, ma Maison Blanche, le Mobilier national. Ils ont fait la une des quotidiens de l'époque. Les tapis tissés pour les paquebots France et Normandie étaient si imposants, qu'il a fallu faire appel à tout le village de Cogolin pour le porter sur la grand-place.
Avec mon père, nous sommes partis sur leurs traces, grâce à Jean-Pierre Tortil, qui en était le directeur. Après avoir ouvert un showroom à Paris, il visait New York et Shangaï, pour poursuivre le rayonnement international des Tapis.
Manufacture des Tapis de Cogolin
À Cogolin, Jean-Pierre Tortil nous a ouvert les portes de la manufacture avec les filles des ouvrières qui travaillaient à l'époque de mes grands-parents. L'occasion d'un moment de convivialité et de ressouvenance. Au mur, on aperçoit un tapis en millimétré à l'échelle 1.
Bureau de Jean-Pierre Tortil, et tisseuses
Cet art se transmet. Le bâtiment, à l'époque, se prolongeait le long de la rue. Il a été scindé et l'entrée du showroom d'alors est devenue celle d'une cordonnerie.
Cordonnerie, à l'ancienne entrée de la Manufacture
Dans le bureau de Jean-Pierre Tortil, nous avons eu le privilège de découvrir des trésors inestimables. Des dessins originaux d'époque, de designers et d'artistes, notamment Jules Leleu.
Dessins d'artistes, préservés de toute lumière
Les étapes du tissage sont respectées avec minutie. Dessin au millimètre. Perçage et enlassage des cartons. Essai sur métier cantre. Réalisation du tapis. Assemblage. Mouillage. Collage. Ourlets. Vérifications.
Le tissage
Le tissage
Les tapis sont tissés plats, laines ou nouages. Le tissage, artisanal, continue de s’opérer sur des métiers à tisser d'époque.
Les métiers à tisser
En salle de couture, les impressionnants lai à lai, de 70, sont vérifiés à la loupe et cousus à la main.
Salle de couture
À Paris, au retour, j’ai suivi une série de vernissages providentiels, pour prolonger cette visite à Cogolin. Tout a commencé par le lancement de la nouvelle collection de tapis : "Ombres et anamorphoses" rue du Bac, au showroom parisien de la Manufacture.
Showroom, Paris, rue du Bac
À l’Hôtel de Livry, rue Montalembert, les D'Days Tai Ping et la Manufacture des Tapis de Cogolin, associés avec l'artiste Elias Crespin, ont proposé une mise en scène de tapis insolite, tout en mouvements, ondoiements et reflets.
D'Days et Tai Ping Carpets
En soirée, rue de Rivoli, à la librairie 107 dirigée par Frédéric Durand, j’ai rencontré Françoise Siriex, qui a travaillé toute sa vie aux côtés de Jules Leleu, a écrit "Le Tapis européen de 1900 à nos jours", publié aux éditions Monelle Hayot, du nom de sa fondatrice. La famille de l’auteure était présente à ses côtés, lors de la séance de dédicaces de l’ouvrage qui revient sur l'histoire du tapis et des manufactures, dont celle de Cogolin. Olivia Schruck-Deroyan, galeriste, a contribué à l'écriture de ce beau-livre.
Librairie 107, rue de Rivoli
Enfin, il y a eu l'exposition des photos de Roger Schall à la galerie Argentic à Paris, l’occasion de s’enthousiasmer comme si j’y étais, du voyage inaugural du Paquebot Normandie en 1935 vers New-York. « Le plus beau paquebot du monde »
Archives presse
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