Blaga’s Lessons (1h54), drame de Stephan Komandarev avec Eli Skorcheva, Rozalia Abgarian
Cette semaine, parmi la programmation exigeante du @sewmorlaix j’ai choisi un film plus austère que les steppes anatoliennes. Près de deux heures sans musique et sans fard, sans aucune poésie. Un long-métrage au pitch que je m’empresse de nuancer :
Une jeune femme arménienne a fui la guerre au Haut-Karabakh. Elle s’apprête à entamer une nouvelle vie, sans retour possible sur ses terres ancestrales, en Bulgarie. Elle s’en remet à Blaga, une enseignante à la retraite, ténébreuse, atrabilaire, amorale et lâche.
Désabusée et revêche, Blaga, 70 ans, enseigne la langue bulgare à une jeune immigrée arménienne rescapée de la guerre en Artsakh, en vue d’un examen à l’issue duquel elle espère obtenir son nouveau passeport. Un enseignement à la rude dans une HLM sans ostentation, entre éloges et morgue. Loin d’affecter la confiance de la jeune femme, les humiliations la fortifient davantage.
Une foi qui a depuis longtemps quitté la supérieure à qui le montant de sa retraite et de ses cours lui permettent tout juste de réaliser son objectif : acheter cette tombe marquée d’une croix communiste pour enterrer son défunt mari. La rigoriste que le sort n’épargne pas, bientôt victime d’une arnaque téléphonique, se fait extorquer ses économies. Le concessionnaire funèbre lui accorde un délai de quelques jours avant de remettre au plus offrant, dans cette économie de marché d’un pays balkanique gangréné par la corruption, l’emplacement plus ou moins à l’abandon du caveau funéraire. Blaga joue son va-tout et en dépit de son souffle oppressé, se fait recruter par le commanditaire aussi grossier qu’hors-la-loi. Blaga change de statut : d’enseignante à apprenante, d’escroquée à escroqueuse. Sauf que Blaga, cette bonne blague, apprentie, se fait remarquer. Désormais, elle va devoir sauver sa peau. Quoi qu’il en coûte. Sans foi ni loi.
Aux dépens de la jeune arménienne pacifiste.
Je n’ai pas pu m’empêcher d’avoir une pensée pour mon grand-père arménien qui a sans doute transité par la Bulgarie, lorsqu’il s’est agi pour lui de s’exiler d’Asie Mineure, fuyant le génocide des Arméniens, pour rejoindre la France, terre d’asile et de lumières. Mais ça, c’était avant.