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… grâce à une initiative artistique réalisée par un photographe-cinéaste-réalisateur-producteur, co-président du cinéma associatif La Salamandre, et soutenu par un groupe d’étudiantes de l’IUT de Morlaix, en Master gestion de projets artistiques et culturels.
Bertrand Basset a croisé la route du GEM (Groupement d’Entraide Mutuelle) morlaisien Le Sympa, lors d’un événement associatif. En discutant à bâtons rompus, il propose d’interviewer et de photographier des personnes atteintes de troubles psychiques. Nom de code : « Vous êtes beau ! Vous êtes belle ! »
Le résultat s’affiche au SEW jusqu’au 5 novembre, et s’écoute à l’aide d’un QR code qui renvoie à une appli (www.vousetesbeau.com). Après ? L’ambition de l’artiste pluridisciplinaire est de démultiplier l’expérience là où une parole sociale et sociétale est susceptible de se libérer.
Les étudiantes ont canalisé les idées foisonnantes du porteur de projet et se sont même portées cobayes, aux prémices du dispositif : la grand-mère de l’une d’entre elles par exemple, a accepté de se raconter. C’est ainsi que le projet est passé de l’idée à l’expo : 12 adhérents du GEM ont saisi l’occasion de partager une parole enfouie depuis de trop nombreuses années. Depuis si longtemps qu’elle les enfermait en eux et leur créait de sérieux troubles. S’il est question de confiance et d’estime de soi, il est surtout question de mémoire et de transmission d’expériences traumatisantes, pour retrouver dignité et visibilité, au sein d’une société qui exclue trop vite ceux qui diffèrent. Mais ça, c’était avant. Aujourd’hui l’exposition coïncide avec l’actualité inclusive, visant à rééquilibrer l'égalité, l'éthique et la morale, comme #Metoo.
Un soulagement parmi les protagonistes qui se disent émus, fiers et soulagés d’avoir enfin su être écoutés. Ils se trouvent beaux et belles, et nous aussi, on les trouve beaux et belles. Libres et joyeux. Solaires même, sur ces photographies en noir et blanc qui exacerbent une joie de vivre retrouvée. Il émane quelque chose d' « Enfantin » me disent-ils.
Un trauma renvoie le plus souvent à l’enfance interrompue, hachée, brisée, annihilée. L’exposition affichée sur les murs de la Boîte à Manger (BAM) à la Manufacture des tabacs, les réconcilie avec l’enfant qu’il n’est jamais trop tard d’aimer, avec une infinie tendresse.
Témoignages, au hasard
Véronique, 60 ans. A passé son enfance « à l’écart », « en silence ». « Je parlais pas ». Après avoir redoublé encore et encore, travaille en hôtellerie. Se fait violer par un maître d’hôtel qui en impose et la renvoie au silence. Parvient à porter plainte, en vain : vice de forme. Ensuite, c’est la vie entre noir et blanc, up and down. Elle finit par rencontrer un homme pour qui elle compte pendant 16 ans, mais les hospitalisations prennent le dessus. C’est surtout entre 4h30 et 6h que Véronique s’angoisse. En 2015, elle est diagnostiquée Asperger et tout s’explique.
Patricia ne se souvient de rien avant ses 5 ans. Ses parents ont vu leurs droits parentaux leur être retirés. Elle redouble, avant l’usine, avant l’aide à domicile. Le problème de Patricia, c’est la concentration, et de vouloir trop bien faire quand il est question de productivité ou de rendement. Le temps de Patricia n’est pas équivalent à celui de l’entreprise. C’est le burnout. Elle souffre d’angoisses nocturnes, au point de croire qu’elle va mourir. Hospitalisée en HP, elle s’évade de peur d’avoir affaire aux chambres d’isolement, à la camisole, aux injections douteuses comme le pratiquaient les asiles d’aliénés.
Bernard, né dans la ferme de ses parents. Son père se suicide alors qu’il a 14 ans : il sombre. La fatigue psychique l’enserre, il souffre d’anxiété. Hospitalisé en psychiatrie, TS, cure à l’insuline. Il est le dernier homme, à Morlaix, à subir ce traitement. Le plus difficile a été de retourner dans le civil, où le lithium lui a permis de se réguler. Bernard a connu l'époque des hospitalisations ouvertes, en confiance avec les soignants, et des traitements expérimentaux. Un tiers de sa vie se situe en psychiatrie.
D’autres témoignages, d'autres personnalités remarquables, sans aucun pathos, empreints d’une vérité si sincère qu’elle apparaît presque naïve, enfantine, sont à retrouver sur le site. Des prises de paroles fraîches, qui font parfois écho à nos propres tourments.
Et nous, justement : a-t-on réfléchi à la manière de nous endimancher ?