Anora, Comédie-romance, de Sean Baker (2h19)
Le film le plus explosif de la saison (jusqu’à présent). Je ne savais pas très bien à quoi m’attendre, j’ai été agréablement surprise par ce long-métrage jubilatoire et tendre, où la vie est exagérée et chaque jour exponentielle. Même si chacun sait : le scénariste, les personnages, leurs interprètes, les spectateurs, qu’elle ne peut durer indéfiniment comme un conte de fées superlatif.
Ce que j'avais entendu dire : pas grand-chose. Anora, une jeune prostituée, se marie avec le fils tout juste majeur d’un oligarque russe. Lorsque ses parents l’apprennent, ils s’en mêlent.
Et je n’ignorais pas qu’Anora avait reçu la Palme d’or au Festival de Cannes, cette année.
Je n’ai pas été déçue. Le film démarre à la vitesse du son. Rythme supersonique, s’accrocher. Les dialogues sont hyper-drôles, ainsi que les situations toutes plus improbables les unes que les autres, et follement excitantes. À vrai dire, je ne me souviens pas de crises de fous rires aussi divines et irrépressibles au cinéma. J’en ai pleuré de rire, et ça fait du bien comme après un bon vieux bon bang de jeunesse, mâtiné de Poppers. Distorsion des sens, perceptions exaltées, du clinquant.
Les acteurs sont stupéfiants : de fraîcheur et de spontanéité. Anora (fascinante Mickey Madison) crève l’écran, en se présentant d’emblée mûre et désarmante, si fluide avec son corps et son esprit. Elle pige vite, connaît ses limites, sait dire oui comme non et remettre les gens à leur place avec souplesse et sourire authentique ; les choses du sexe -qu’elle maîtrise- ne sont qu’un job pour lequel elle affiche une distance qui la libère des mochetés environnantes. Son personnage est très vite attachant. Anora, tout en paillettes, à l’intérieur comme à l’extérieur d’elle, vit l’instant présent et elle est grave cool. Le seul truc, c’est qu’elle tient à ce qu’on oublie Anora pour privilégier Ani. Elle est Ani, point barre. Une fille de la nuit qui n’attend rien.
Vanyan, ou Ivan, est quant à lui, le prototype de l’enfant gâté, capricieux et peureux. Une plaie, ce môme superficiel qui entend le rester. « Fils à papa » : jamais expression n’aura pris autant de sens. Mais avant de devenir déserteur, ce que l’on soupçonne, il sait se rendre indispensable : il fait rêver en proposant -avec l’argent paternel qui se déverse de manière torrentielle- une vie excentrique et ludique, à grands renforts de bonbons sucrés et de jeux vidéo. Lui, les choses du sexe, il les ignore et reste persuadé qu’une levrette rapide suffit pour s’éclater.
Musique à fond, scènes qui se catapultent tant le film est pressé, comme la jeunesse impatiente, paysages grandioses à perte de vue entre neige et soleil, ce film est truculent.
Quand les darons débarquent, sous domination matriarcale russe, l’extravagance s’arrête, même si les situations continuent de révéler un potentiel excentrique. La naïveté d’Anora surprend davantage que la lâcheté d’Ivan et rend cette jeune fille encore plus émouvante. Les relations qui s’installent soudain entre eux, et les gardes du corps arméniens d’Ivan à la botte des parents, qui font barrage entre lui et ses parents, relèvent d’un vaudeville ubuesque et déjanté.
Les Arméniens ont ce pouvoir-là - ;) Jamais là où on les attend. On les kiffe.
À la fin, sans rien dévoiler, Anora trouve ce qui va lui permettre d’abandonner Ani. On lui souhaite le meilleur.
Ce film est un palpitant plus efficace que n’importe quel pacemaker : orgasmique, entre rires et larmes, la plus simple, savoureuse et universelle des recettes cinématographiques.