Flow, le chat qui n’avait plus peur de l’eau
Aventure-cinéma de fantasy de Gingts Zilbalodis (1h25)
Le film le plus poignant de cet automne, saison où la nature change de peau et d’haleine et devient personnage à part entière de nos vies d’humanimaux.
Ce film raconte la trajectoire d’une Arche de Noé moderne. Je me suis demandé dans quelle partie du globe ce film pouvait-il bien se situer quand je me suis souvenue que l’Arche de Noé avait échoué à Yerevan, en Arménie historique. D’ailleurs, le Chat-de-Van originellement arménien, dont l’identité a été vampirisée par les Turcs comme celle des Arméniens turquifiés ou exterminés, est un chat nageur à la fourrure solide pour parer à toutes les caprices de la planète. Dans le film, Flow est noir aux pupilles oranges et à la fourrure soyeuse. (À mon humble avis, le pelage des animaux est peut-être le seul bémol de ce film d’animation si poétique, des poils que l’on ne voit jamais s’ébrouer hors de l’eau, comme éternellement lisses, à l’apparence du velours. Des pelages qui contrastent avec l’environnement si animé qui les met sous pression constante).
Flow donc, dans ce Royaume d’Arménie (- ;), où des temples et sculptures mayas vertigineuses ont trouvé leur place, vivait dans la Vallée-des-Chats-en-Bois. Un peu comme les monolithes de l’île de Pâques, sauf que ce sont des chats en bois dans toutes les postures (figurant donc les lettres d’un alphabet félin). Jusqu’au jour où la mer de tous les continents réunis repeint cet univers merveilleux, si paisible et verdoyant. Les cerfs et autres antilopes courent, aux abois, pressentant le danger. Que Flow comprend lorsqu’il est déjà trop tard.
En compagnie d’une loutre placide, d’un lémur cabotin plus voleur qu’une pie, d’une meute de flamants roses dont l’un se désolidarisera du groupe patriarcal au profit de Flow, de chiens plus ou moins dominants aux dents longues, de lapins ici et là comme autant d’intersignes, Flow conduit une quête plus initiatique que celles chères à Goethe, nageant tout droit vers sagesse et révélations. La lumière de ce film renvoie une dimension spirituelle aussi douce que féline.
Aucun des animaux ne parle : ils s’expriment chacun dans leur langue, dont aucune n’est universelle. Sauf qu’un miaou répond avec pertinence à un aboiement, la loutre endormie et sans ego renvoie au lémur son narcissisme et la nature qui gronde et se désagrège, rappelle à quel point nous sommes locataires d’espaces aussi époustouflants que fragiles, empreints d’histoires multiséculaires qui les ont façonnés.
Flow est un chat attachant, intelligent, vif, malicieux, curieux, muni d’un flow (haha) de ressources insoupçonnables ; il observe, ne juge pas et vit chaque instant au présent. Il sera toujours temps de s'adapter demain. Flow, on ne peut que l’aimer très fort et espérer, dès la première seconde, qu’il sortira victorieux et épanoui de tous les pièges semés sur son trajet.
J’ai adoré ce film, Flow m’a émue ; il a fait bondir mon cœur au moins autant que s'y emploie, à chaque seconde de chaque journée, mon propre… Chat-de-Van arménien (véridique), Ma Mimi Mon Chat qui n’a tellement pas peur de l’eau qu’elle boit au robinet ou dans la baignoire mais jamais dans une gamelle, et lape avec ardeur les gouttes de la pluie qui tombent, installée tout confort dans sa posture de sphinx sur le rebord de la fenêtre.