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Lee Miller, biopic-drame-guerre de Ellen Kuras (1h57)

Ellen Kuras
Lee Miller

Kate Winslet est Lee Miller, dans ce film qu’elle a produit après des années à se consacrer tout entière au projet. Elle capte la période qui bascule du glamour à la guerre, du badinage à l’amour, de la poésie d’Eluard à la barbarie d’Hitler, du mannequinat au reportage de guerre, de l’alcool mondain au démon de l’alcoolisme. À certains égards, Lee me fait penser à BB expliquant avoir donné sa jeunesse et sa beauté aux hommes, et sa sagesse et son expérience aux animaux ; ses succès au cinéma lui ayant permis de financer son engagement en faveur de la cause animale. Lee Miller a donné sa jeunesse à la frivolité, et sa sagesse à l’humanité. Ses succès sur les podiums lui ayant permis d’être recrutée par Vogue, qui lui offre à son tout de donner à voir (presque toute) l’inhumanité. Le célèbre magazine féminin joue d’ailleurs un rôle à part entière dans ce film.

Les parallèles ne s’arrêtent pas là puisque, l’une comme l’autre, ces femmes opiniâtres ont aussi fait éclater la cause des femmes et le plafond de verre, Lee Miller ayant été l’une des premières femmes journaliste reporter d’images. L’une comme l’autre, enfin, ont atteint le but de leur quête ardente : rendre compte de la vérité.

 

Kate Winslet révèle Lee Miller à travers l’écran, qui elle-même se révèle à travers l’interview qu’elle accorde à ce jeune homme. Un échange donnant-donnant pendant qu’il en est encore temps. Prétexte à la ressouvenance, à partir de tirages choisis. Le film se regarde comme on lit un page-turner. Ce genre d’histoires hypnotiques que l’on s’apprête à quitter, à corps et cœur défendant, lorsque l’on sent la fin poindre, au point d’en procrastiner la lecture. Ajourner parfois exalte.

Dans le film, tout arrive progressivement, au fil des chapitres. Aussi progressif que vertigineux. Mougins -ambiance Riviera art-déco, Londres -femme amoureuse et photographe sous la bruine, Saint-Malo -premières photographies en terrain assiégé sous les bombardements jusqu’à la libération des camps de concentration.

 

Kate Winslet est une remarquable actrice. Dans ce film, elle semble nouer un véritable dialogue avec les portraits qu’elle a saisi au Rolleiflex. Se tisse une intériorité émouvante entre Kate-Lee, et ces visages réduits à néant. L’enfant animalisé dans les camp désaffectés, la jeune femme collaboratrice tondue en place publique, ces grappes d’hommes décharnés et empilés dans des charniers ou dans les wagons à bestiaux.

Kate Winslet offre la vision d’une pasionara, qui respecte les lois de l’honneur et de la probité en amour, comme en amitié, en mère (quoique plus lointaine). Une femme libre de cette liberté chère à Paul Eluard. Lee Miller ne se contente pas d’écrire pas son nom : elle personnifie la liberté, penchée sur sa machine à écrire, sur la page blanche, sur ses clichés crus, sur le même étang soleil moisi et les mêmes sueurs de l’orage que le poète.

Dans le rôle de ses amies, j’ai été touchée par Marion Cotillard. Comme par Noémie Merlant. Deux rôles secondaires aussi furtifs qu’essentiels pour comprendre l’évolution de Lee Miller, tenus par deux actrices qui laissent une empreinte définitive.

 

Le film est traversé par une émotion diffuse, aussi ample que discrète comme l’est la musique d’Alexandre Desplat, dont on s’aperçoit qu’elle existe quand le silence prend toute la place, aux moments où l’image emporte tout.

Lee Miller est un film brillant, intelligent, émouvant. Sans fausse note, qui infuse comme une poésie.

Tag(s) : #leemiller, #katewinslet, #ellenkuras, #longmetrage, #biopic, #drame, #guerre
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