Trois amies, romance-comédie, d’Emmanuel Mouret (1h57)
Heureuse complexité, heureuse cruauté, heureuse curiosité, des choses de l’amour, et du hasard.
J’ai souvent observé que quand trois amies étaient ensembles, l’une d’entre elles se retrouvait toujours un peu sur le bas-côté, quand les deux autres prenaient le dessus. Cette fois, aucune rivalité. Les trois amies se complètent, parce qu’elles offrent chacune une idée de l’amour, et du couple, et que ces idées mises bout à bout avec générosité forment, peut-être, l’Amour.
Forment assurément l’Amitié.
Ce film est un bijou délicat mâtiné d’ésotérisme et saupoudré d’une pointe élégiaque. Un film qui embarque l’air de rien, par la grâce des trois amies : India Hair, Joan, aux airs de petite chatte en quête de protection ; Camille Cottin, Alice, la plus flegmatique ; Sara Forestier, Rebecca, qui manque de confiance et d'estime de soi. Bien sûr, les personnages évoluent et un phénomène de vases communicants se met en place avec légèreté. Les amies ont presque 2 heures pour cela : on les voit s’épancher et se questionner, leurs silences et leurs pensées racontant davantage que leurs prérégrinations. Le scénario, ciselé, raconte le condensé d’une vie amoureuse. Elles ne sont pas trois mais une, complexe.
Les personnages masculins qui provoquent les tensions, montrent tous une fragilité qui les rend séduisants. Emmanuel Mouret a l’art de développer des personnages qui suscitent tendresse et empathie non galvaudée.
Ce film, je le verrais bien adapté au théâtre : il me semble que les personnages prendraient bien plus encore d’envergure sur scène, en symbiose avec le public qui se reconnaitrait forcément dans chacune des trois amies, alternativement, à chacune des périodes énamourées de son existence qu’on ne peut s’empêcher de passer en revue. Nous, on a presque 2 heures pour se souvenir.
J’ai beaucoup aimé ces amies, que j’avais envie de rejoindre.
Une mention spéciale pour Sara Forestier, une actrice dont il m’a toujours semblé que les réalisateurs manquaient d’imagination à son égard. Jusqu’à Katell Quillevéré qui lui a offert ce magnifique rôle, si profond, de Suzanne. Grand Prix du Cinéma ELLE en 2013. C’était il y a 10 ans déjà. Et aujourd’hui Emmanuel Mouret, dans ce film qui laisse une impression de soulagement, comme si on s’était réconcilié avec l’Amour.